<130>la seconde, c'est une ruse de guerre; faire des feux dans un camp que l'on abandonne, et y laisser du monde qui y fait du bruit, est une ruse de guerre dont on se sert pour cacher son décampement à l'ennemi. Toutes les fausses attaques sont des ruses de guerre; par exemple, que l'on envoie un corps qui fait quelque démonstration comme s'il voulait attaquer l'armée ennemie, mais qui cependant ne s'engage pas, tandis que l'on attaque et défait un détachement de cette armée mal posté. Si l'ennemi vous respecte, et que vous trouviez à propos de vous battre, inspirez-lui de la sécurité, faites semblant de le craindre, préparez des chemins en arrière, et son amour-propre vous servira mieux que votre force. S'il est trop audacieux, affectez de vouloir en venir aux mains, tâchez de battre quelque petit détachement, tâchez de le harceler, et il deviendra plus traitable. S'il est plus fort et plus nombreux que vous, employez toutes vos ruses à lui faire faire des détachements, et, dès qu'il les a faits, profitez du moment pour le battre. Il y a des ruses pour surprendre des places, exemple : prince Eugène, lorsqu'il surprit Crémone; des ruses pour que l'ennemi ne devine pas votre but; pendant l'hiver, par exemple, celui qui rassemble le premier ses troupes et tombe sur le quartier des ennemis a toujours gain de cause; alors la ruse va à cacher l'assemblée de vos troupes ou à y donner d'autres motifs, comme de relever la Postirung,a ou de changer quelques régiments de quartiers. L'exacte disposition de la marche des troupes pour le moment de leur réunion décidera de votre entreprise. Les retranchements peuvent aussi être comptés parmi les ruses de guerre quand on en tourne l'usage à cette fin; cela ne doit servir que pour rendre un ennemi plus hardi et l'induire à hasarder des manœuvres indiscrètes vis-à-vis de votre armée, comme de lui prêter le flanc, de faire des marches sans précaution, de passer une rivière dans votre voisinage. Alors il est temps de quitter ce retranchement pour punir l'ennemi de sa


a Au lieu du mot Postirung (Winter-Postirung), Frédéric a mis dans ses Règles de ce qu'on exige d'un bon commandeur de bataillon en temps de guerre : « la chaîne des quartiers d'hiver, » et dans son écrit, Des marches d'armée : « le cordon qui doit couvrir les quartiers d'hiver. »