<159>bien préparés? Serait-ce donc que ces troupes si souvent battues seraient devenues invincibles? Assurément non; c'est de quoi je ne conviendrai jamais. Mais je ne conseille à personne de prendre une résolution précipitée et d'aller insulter une armée qui s'est procuré de si grands avantages.

Cependant il est impossible à la longue, pendant la durée d'une campagne, que tous les terrains se trouvent également avantageux, que ceux qui ont l'intendance de poster les troupes ne commettent quelques fautes. J'approuve fort que l'on profite de ces occasions sans avoir égard au nombre, pourvu qu'on ait un peu au delà de la moitié du monde de ce qu'a l'ennemi.

Les fautes de l'ennemi dont on peut profiter sont lorsqu'il laisse quelques hauteurs devant ou à côté de son camp; s'il place la cavalerie dans sa première ligne; si son flanc ne se trouve pas bien appuyé, ou s'il détache un de ces corps qui veillent sur ses ailes, loin de son armée; si les hauteurs qu'il occupe ne sont guère considérables, surtout si aucun défilé ne vous empêche de l'aborder. Ce sont là des cas dont je crois qu'un général entendu doit profiter. La première chose qu'il doit faire est de s'assurer des buttes de terre ou des hauteurs qui peuvent faire dominer son canon sur celui de l'ennemi, d'y placer autant de canons qu'elles peuvent contenir, et de foudroyer de là cette armée qu'il se propose d'attaquer, tandis qu'il forme ses lignes et ses attaques. J'ai vu dans plusieurs occasions le peu de fermeté que les troupes autrichiennes témoignent dans le feu du canon. Leur infanterie ni leur cavalerie n'y résistent point. Pour leur faire éprouver tout ce que l'artillerie a de terrible, il vous faut ou quelques hauteurs, ou un terrain qui soit tout plaine. Les bouches à feu et les petites armes ne font aucun effet, comme je vous l'ai dit, du bas en haut. Attaquer l'ennemi sans s'être procuré l'avantage d'un feu supérieur ou du moins égal, c'est se vouloir battre contre une troupe armée avec des hommes qui n'ont que des bâtons blancs, et cela est impossible.

J'en reviens à l'attaque dont nous parlions. Tout dépend du choix judicieux que vous ferez de l'endroit où l'ennemi est le plus faible, et où vous ne devez pas vous attendre à une aussi grande résistance qu'aux lieux où il s'est plus précautionné. Je crois que