<40>gestes; en un mot, rien n'échappe.a Quand il est pensif, les officiers disent : Sans doute que notre général couve un grand dessein. A-t-il l'air triste ou chagrin : Ah! dit-on, c'est que les affaires vont mal. Leur imagination, qui se donne à de vaines conjectures, croit pis que le mal réel. Ces bruits découragent, ils courent l'armée, et passent de votre camp dans celui de l'ennemi. Il faut donc que le général soit comme un comédien, qui monte son visage sur l'air qui convient au rôle qu'il veut jouer, et, s'il n'est pas maître de lui-même, qu'il affecte une maladie, ou qu'il invente quelque prétexte spécieux pour donner le change au public. Arrive-t-il quelque mauvaise nouvelle, on fait semblant de la mépriser devant le monde, on étale avec ostentation le nombre et la grandeur de ses ressources, on dédaigne l'ennemi en public, on le respecte en particulier. Si quelque parti essuie une disgrâce à la petite guerre, on en examine la raison; on trouve toujours que c'est la mauvaise conduite ou l'ignorance de l'officier qui l'a mené qui en est la cause; on dit ouvertement que ce n'est point faute de la bravoure des troupes qui ont eu à essuyer ce malheur; on examine les fautes de cet officier, et on en fait une leçon aux autres. De cette façon vous instruisez les officiers, et vous n'ôtez point aux troupes la confiance qu'elles ont en leurs propres forces.
La douceur et la sévérité s'exercent alternativement avec le soldat; il faut que le général soit populaire, qu'il parle aux soldats, soit lorsqu'il passe dans leurs tentes, ou lorsque c'est un jour de marche. On voit quelquefois si la marmite va bien, on entre dans leurs petits besoins et l'on fait ce que l'on peut pour les soulager, on leur épargne des fatigues inutiles. Mais on fait tomber toute la rigueur de la loi sur le soldat mutin, sur le raisonneur, sur le pillard, et l'on fait, lorsqu'il est nécessaire, des punitions sévères aux déserteurs. En un mot, tout ce qui regarde le service doit être regardé gravement; tout ce qui est hors de là souffre de l'indulgence. On loue les officiers des belles actions qu'ils ont faites, on leur fait des honnêtetés, on leur rend service; mais on ne les épargne pas dans toutes les choses qui regardent leur devoir, et on les oblige à le faire par force quand
a Voyez t. VIII, p. 133.