<47>couche leur déposition par écrit; c'est l'unique moyen d'en tirer quelque parti.

On se sert des espions doubles pour donner de fausses nouvelles aux ennemis. Il y avait un Italien, à Schmiedeberg, qui servait les Autrichiens en cette qualité. Nous lui fîmes si bien accroire que nous nous retirerions à Breslau à l'approche des ennemis, qu'il en assura le prince de Lorraine, et qu'il fut trompé.

Le prince Eugène eut pendant longtemps le maître de poste de Versailles à ses gages. Ce malheureux ouvrait les expéditions de la cour aux généraux, et les envoyait au prince Eugène, qui les recevait avant même ceux qui commandaient les armées françaises. Luxembourg avait gagné un secrétaire du roi Guillaume, qui lui donnait avis de tout; le Roi le découvrit, et tira tout le parti qu'il était possible d'une affaire aussi délicate. Il obligea ce traître de marquer à Luxembourg que les alliés feraient le lendemain un grand fourrage, et les Français pensèrent être surpris à Steenkerke.a Sans des prodiges de valeur, leur armée aurait été totalement défaite. Il est difficile d'avoir de pareils espions, non pas que les Autrichiens ne soient corruptibles comme d'autres, mais à cause que leurs troupes légères, qui les entourent comme un nuage, ne laissent passer personne sans le visiter. Cela m'a fait naître l'idée de corrompre une couple de leurs officiers de hussards, par le moyen desquels la correspondance pourrait s'entretenir, et cela, lorsque les hussards escarmouchent; leur usage est alors de faire quelquefois la trêve et de se parler; alors facilement les lettres pourraient être rendues.

Quand on veut faire donner de fausses nouvelles aux ennemis ou en avoir des siennes, on fait passer dans son camp un soldat comme transfuge, qui leur rapporte ce que l'on veut, ou qui y sème même des billets pour animer les troupes à la désertion, et qui par un détour revient à votre camp.

Lorsque par aucun moyen on ne peut avoir dans le pays de l'ennemi de ses nouvelles, il reste un expédient auquel on peut avoir recours, quoiqu'il soit dur et cruel : c'est de prendre un gros bourgeois qui a femme, enfants et maison; on lui donne un homme d'esprit qu'on déguise en valet (il faut qu'il sache la


a Le 3 août 1692.