<113>l'on pourrait avoir occasion de placer l'armée. On peut même, à l'aide de ces croquis, dessiner d'avance la position que l'on veut prendre, quitte à la rectifier par l'inspection oculaire, comme je l'ai enseigné dans mon Traité de la guerre et de la tactique.a Il est vrai que lorsque les armées sont placées proche les unes des autres, ces reconnaissances deviennent plus difficiles, parce que l'ennemi a également des détachements et des troupes légères en campagne, qui empêchent de se porter sur les lieux qu'on veut reconnaître. Souvent l'on veut cacher son dessein, ce qui rend ces petites expéditions encore plus difficiles. Alors il ne reste de parti à prendre que de pousser l'ennemi à différents endroits à la fois, et de faire même dessiner des lieux où l'on n'a aucune envie d'aller, pour lui cacher son dessein; et comme on le chasse de différents postes, les meilleurs quartiers-maîtres doivent être employés vers le lieu où l'on a sérieusement intention d'agir; car l'homme sage ne donnera jamais au hasard ce qu'il peut lui ravir avec la prudence. Surtout un général ne doit jamais mouvoir son armée sans être bien instruit du lieu où il la conduit, et comment il la fera arriver en sûreté sur le terrain où il veut exécuter son projet.

DES PRÉCAUTIONS QU'IL FAUT PRENDRE EN PAYS ENNEMI POUR SE PROCURER ET S'ASSURER DES GUIDES.

L'année 1760, en traversant la Lusace pour marcher en Silésie, nous eûmes besoin de guides. On en chercha dans des villages vandales,a et lorsqu'on les amena, ils faisaient semblant de ne pas savoir l'allemand, ce qui nous embarrassait fort; on s'avisa de les frapper, et ils parlèrent allemand comme des perroquets. Il faut donc toujours être sur ses gardes à l'égard de ces guides qu'on prend en pays ennemi; bien loin de se fier à eux, il faut


a Voyez t. XXVIII, p. 61.

a Vénèdes. Voyez t. I, p. 4 et 225.