<45>pourvu qu'il puisse bien observer; s'il est détaché sur les flancs de l'ennemi pour lui donner des jalousies, il faut que le général soit alerte pour ne pas être accablé par le nombre; s'il est envoyé à dos de l'ennemi, à moins qu'il ne trouve un poste absolument inattaquable, il en doit changer souvent, ou, s'il séjourne, il court le risque d'être écrasé par de plus forts que lui et d'être pris à dos lui-même. Rien ne sert tant, dans ces commissions hasardeuses, que l'intelligence du chemin; un homme habile sauve son corps et le soustrait à la poursuite de l'ennemi, en se jetant dans des pays fourrés, se couvrant de villages, de marais, de ruisseaux et de bois, et, quelque détour qu'il fasse, il se couvre de gloire par sa fermeté et l'art qu'il a mis dans sa retraite. Bien des corps de troupes ont été perdus par l'incertitude des commandants, qui ne savaient pas se résoudre et se déterminer eux-mêmes; tout est perdu quand le commandant perd lui-même la tête. Voilà ce qui arriva au général Finck, à Maxen;a son irrésolution et sa mauvaise disposition causèrent sa perte, car a-t-on jamais vu mettre des hussards sur une montagne pour la défendre? Mais, dira-t-on, que faut-il faire, si, étant détaché, on se trouve attaqué malgré toutes les mesures que l'on a prises pour ne point être surpris? Je réponds qu'il faut vendre sa vie le plus chèrement que l'on peut, faire perdre, par sa défense vigoureuse, à l'ennemi autant de monde que votre corps est fort; alors votre honneur est sauvé. Mais quiconque capitule à la tête d'un corps qu'il commande est un infâme; ou bien l'attachement à son misérable bagage l'a déterminé à cette lâcheté, ou bien une poltronnerie non moins exécrable.
Je conseille à tous ceux qui ne préfèrent pas leur réputation et leur honneur à l'intérêt et à leur propre vie de ne jamais embrasser le parti des armes, parce que tôt ou tard leurs vices perceront et les rendront un objet de mépris et d'indignation.
a Voyez t. V, p. 31 et suivantes.