<62>L'infanterie n'est pas seulement employée à la guerre de campagne, mais à la défense des places et aux siéges des forteresses d'un ennemi que l'on attaque. Un officier et principalement un commandeur de bataillon qui n'entend rien à l'attaque et à la défense des places n'est qu'un demi-officier. S'il défend une forteresse, il faut qu'il ait une idée de ce que c'est que le feu de chemin couvert, une espèce de Heckenfeuer, qu'on entretient surtout pendant la nuit; il faut qu'il sache pourquoi l'on fait une sortie, à savoir, pour ruiner les ouvrages de l'ennemi. La troupe qui sort doit agir avec vivacité pour faire ses opérations tout de suite, à savoir, nettoyer la parallèle, ruiner les sapes et enclouer le canon. Ceux qui doivent agir sont armés, ils sont destinés à chasser les assiégeants, pour donner aux manœuvres le temps de ruiner des ouvrages de l'ennemi ce qu'un court espace de temps leur permet de faire; après quoi la sortie doit se replier sur l'endroit du chemin couvert, à droite ou à gauche de l'attaque, où le gouverneur leur a préparé par ses dispositions un feu supérieur qui leur assure leur retraite.
Il ne faut point qu'un commandeur de bataillon soit intimidé de se trouver dans une place; c'est, pour un homme qui n'est ni paresseux ni lâche, mais qui se sent de l'ambition, une occasion de se distinguer et par conséquent de faire fortune; car un officier acquiert autant de réputation par la défense opiniâtre d'une place où il a servi qu à une bataille gagnée. Repousser l'assaut d'un ouvrage lui fait autant d'honneur que de se défendre dans un retranchement ou que de chasser l'ennemi d'un poste, et les vrais officiers, les hommes pleins d'ambition, doivent saisir également toutes les occasions pour se distinguer. Mais la longue paix dont nous jouissons rendra tous les commandeurs inexcusables, si, faute de se bien défendre, ils allèguent leur ignorance de la fortification. Le service dans la garnison les occupe au plus deux heures par jour; le reste du temps, ils en sont maîtres, et s'ils le perdent en fainéantise, je ne pense pas que, s'ils allèguent cette excuse, elle soit trouvée valable nulle part.
Il en est de même pour l'attaque des places. L'ignorance peut donner lieu à bien des fautes qu'on peut éviter quand on s'est fait une idée du génie, et qu'on s'est donné la peine de lire les