<72>sible que l'ennemi entreprenne contre vous. Otez au hasard tout ce que vous pouvez par votre pénétration et par votre prudence; il ne conservera encore que Trop d'influence dans la guerre. Il arrive que des détachements sont battus, soit par la faute de l'officier qui les commande, soit par la supériorité de l'ennemi qui les attaque; des places peuvent être surprises, des batailles peuvent être perdues, ou parce que des têtes se détraquent, ou par la blessure ou la mort d'un officier général instruit des dispositions de la bataille, ce que les autres généraux de cette aile ayant ignoré, ne suivent point par conséquent l'intention du général. C'est pourquoi il ne faut jamais chanter victoire avant d'avoir chassé l'ennemi du champ de bataille. Si vous aimez mieux les exemples que les règles, je m'en vais esquisser un projet de campagne, en m'assujettissant aux maximes que je viens d'établir.
Supposons que la Prusse, l'Autriche, l'Empire, l'Angleterre et la Hollande eussent formé une alliance offensive contre la France; voici comment il faudrait procéder pour concerter un projet de campagne solide et bien raisonné. Je sais que la France peut mettre en campagne cent quatre-vingt mille hommes, que sa milice, consistant en soixante mille combattants, peut servir à garnir les trois rangées de forteresses qui bordent ses frontières; je sais que le roi d'Espagne, son allié, peut lui fournir quarante mille hommes, le roi de Naples dix mille, et celui de Sardaigne quarante mille : somme totale, deux cent soixante-dix mille hommes, outre ce qui garde les forteresses; je ne compte que les combattants. A cela les alliés pourront opposer, la Prusse cent cinquante mille hommes, la maison d'Autriche cent soixante mille, les cercles de l'Empire quarante mille, l'Angleterre vingt mille, la Hollande autant, outre leurs flottes, qui doivent concourir à faciliter les opérations des armées. Les alliés assembleront donc trois cent quatre-vingt-dix mille combattants, d'où il résulte que les alliés auront sur les Français une supériorité de cent trente mille hommes. Je sais encore que les finances de la France sont entièrement dérangées, et qu'à peine pourra-t-elle fournir aux dépenses de trois campagnes. L'Espagne, qui s'est épuisée par ses armements contre les Marocains et les Algériens, ne pourra pas soutenir la guerre plus longtemps, et le roi de