<74>A présent examinons ce que les Français pourraient opposer à ces projets. Il paraît indubitable que les Français, se voyant au moment d'être attaqués en Flandre, se proposeront de prévenir leurs ennemis; ils peuvent faire le siége de Tournai ou de Mons avant que les grandes forces des alliés soient rassemblées. Ils peuvent se poster à Oudenarde, pour vous obliger de ne pas trop vous éloigner de Bruxelles, de crainte de perdre vos convois; ils pourraient encore prendre un camp sur l'Escaut, entre Condé et Saint-Guislain; qui sait même s'ils n'essayeraient pas de s'emparer de Bruxelles avant l'arrivée des alliés? Dans toutes ces suppositions, les alliés doivent débuter par une bataille; il est peu de postes que l'on ne puisse tourner, et c'est de la décision de la bataille dont tout dépend. Si c'est une affaire décisive, Bruxelles même serait dans peu repris; pour Mons et pour Tournai, il faut les laisser aux Français et ne pas déranger son objet principal pour des bagatelles. En opérant du côté de Vinox et de Dunkerque avec cent vingt mille hommes, il vous en reste encore soixante mille qui peuvent couvrir Bruxelles et vos derrières, et la flotte anglaise vous fournira vos vivres, tirés de vos magasins de Nieuport. La seconde campagne sera plus difficile que la première, parce que vous avez découvert vos desseins, et que l'ennemi, devinant vos vues, voudra s'y opposer. Sans doute qu'il choisira quelque camp fort pour vous arrêter en chemin; c'est alors à raffiner aux moyens de le déposter et de le combattre, pour assiéger Gravelines, ensuite Bourbourg, où la flotte anglaise, abordant dans le port de Gravelines, vous fournirait les vivres. De là vous devez vous porter sur Montreuil, où la flotte anglaise, entrant dans l'embouchure de la Canche, vous apporterait vos provisions. Si l'ennemi veut encore vous arrêter plus en avant, il faut le déposter, s'avancer sur Abbeville, et la flotte anglaise à l'embouchure de la Somme, pour que vous ne manquiez point de magasins. Vous objecterez peut-être que je laisse trop de places fortes derrière moi; mais il me reste encore soixante mille hommes, dont vingt mille occuperont mes derrières aux endroits convenables, et quarante mille assiégeront des places défendues par des milices, comme Cassel, Aire, Saint-Orner. Comptez que toute l'armée française, dès la seconde cam-