<82>dire, qui imaginait des chimères influait dans les ordres que l'empereur Charles VI donnait à ses armées, et cela ruina toutes ses affaires. Je ne dissimulerai pas cependant que la mauvaise conduite de ses généraux entra pour sa part dans les malheurs que cette guerre fit ressentir à la maison impériale.

Si nous examinons attentivement les causes qui ruinèrent les espérances que la France formait, l'année 1744 d'abaisser la maison d'Autriche, nous les trouverons la plupart dans les fausses mesures qu'elle prit pour exécuter un aussi grand dessein. Les Français voulaient démembrer la monarchie autrichienne, et en séparer la Basse-Autriche, la Bohême, la Moravie, et la Silésie, dont les Prussiens venaient de s'emparer. Ils comptaient sur le secours de douze mille Bavarois, de vingt-cinq mille Saxons, sans compter l'armée prussienne, qui en était aux mains avec les forces principales de la maison d'Autriche. Plus les projets sont grands, plus les moyens qui concourent à les exécuter doivent y répondre. Il aurait convenu aux intérêts de la France qu'elle eût fait joindre l'électeur de Bavière par une armée de quatre-vingt mille hommes, tant pour terminer cette guerre en une campagne que pour avoir, par ces nombreuses troupes, une prépondérance sur ses alliés. Bien loin de prendre d'aussi sages mesures, elle n'envoya que trente mille hommes pour attaquer la reine de Hongrie dans ses États et pour écraser la puissante maison d'Autriche. Encore aurait-elle pu réussir, si, après la prise de Linz, les Français et les Bavarois étaient marchés droit à Vienne; cette capitale, presque sans défense, n'aurait pas résisté longtemps. Le roi de Prusse se serait certainement approché en hâte du Danube, et toutes les probabilités portent à croire que la France aurait dicté les lois de la paix. Ou les Français ne virent point ces avantages, ou ils raisonnèrent de travers, ce qui est très-possible, car, après la prise de Linz, ils tournèrent sans raison valable vers la Bohême. Cette faute irréparable ruina leurs grandes espérances, et fut la cause de tous les malheurs qu'ils essuyèrent dans la suite. Qu'on apprenne par là combien une fausse dialectique est pernicieuse dans ce métier, et qu'on apprenne à raisonner juste. Remarquons à cette occasion que les guerres qu'un prince entreprend loin de ses frontières réussissent rarement,