<83>parce que l'éloignement des lieux empêche les recrues, les remontes, les munitions et autres renouvellements de l'armée d'arriver assez à temps, et que les communications quelquefois interceptées empêchent de lui faire passer les secours nécessaires. Dans les guerres du genre offensif, il faut ou fournir tout ce qui est nécessaire pour de grandes entreprises, ou, si l'on en manque, il faut renoncer à ces vastes desseins.

La guerre qui se fait à forces égales est d'un genre tout différent de celle dont nous venons de parler. Il faut borner ses desseins à ses forces et ne point se hasarder d'entreprendre ce qu'on n'a pas les moyens d'exécuter. La cour peut bien ordonner au général de faire ses efforts pour gagner une telle rivière ou prendre une telle ville; mais elle ne peut lui prescrire aucun détail de ses opérations, parce que, n'ayant pas des troupes assez nombreuses pour obliger l'ennemi à régler ses mouvements sur ceux qu'il fera, il doit se procurer tous les avantages sur cet ennemi par sa ruse et par son adresse. C'est dans cette guerre qu'on tire plus d'utilité de la peau de renard que de la peau de lion. Une méthode qu'on ne saurait assez recommander est d'entrer en campagne avant l'ennemi, parce qu'on gagne du terrain, et que souvent cela mène à des surprises, ou que cela donne lieu de battre quelque corps détaché de l'ennemi. Un général doit sans cesse avoir la ferme résolution de rendre de sa part la guerre offensive sitôt que l'occasion s'en présente. Il faut bien cacher, à l'ouverture de la campagne, ses desseins, donner le change à l'ennemi, connaître autant qu'on le peut le général qui vous est opposé, pour être au fait de sa méthode et de sa façon d'agir; plus on le pénètre, et mieux réussit-on à le tromper. On gagne la supériorité sur l'ennemi ou en tombant à l'improviste dans ses quartiers et en enlevant une partie, comme l'exécuta le maréchal de Turenne lorsque par Thann et Belfort il fondit en Alsace, enleva les quartiers de M. de Bournonville, et obligea le Grand Électeur, qui était à Colmar, à repasser le Rhin; soit en gagnant sur lui des batailles décisives, soit en lui enlevant ses magasins, enfin, soit en se mettant sur ses communications, en l'obligeant par là de reculer et de vous céder le terrain. On donne facilement des jalousies à son ennemi lorsqu'on est dans un pays