<85>d'Orange à Neerwinde. Cette victoire, et la supériorité qu'elle lui donna sur les alliés, n'étaient dues qu'à son génie; affaibli par les troupes que le Roi envoyait en Allemagne, il était même inférieur en forces au prince d'Orange; son habileté le rendit supérieur à son ennemi, et il finit la campagne par le siége de Charleroi, qu'il prit. Cet exemple doit sans cesse être présent à l'esprit d'un général qui agit contre une armée aussi forte que la sienne, non pas qu'il se serve de la même ruse, mais qu'il en emploie de semblables, ou qu'il se serve de quelques-uns des moyens que j'ai proposés au commencement de cet article. S'il fallait augmenter ces sortes d'exemples, je citerais la campagne de M. de Khevenhüller, en Bavière, contre les Français et les troupes impériales, qu'il surprit et battit à Vilshofen et à Deckendorf, obligea les Français de repasser le Lech, et les troupes bavaroises d'accepter une espèce de neutralité. Voilà des moyens pour se procurer une supériorité sur l'ennemi. Le lecteur concevra sans peine que quiconque n'a pas une imagination féconde en ressources et en expédients, et quiconque ne pense et n'étudie pas le métier de la guerre, ne réussira jamais à faire de pareilles choses.
J'en viens à présent à la guerre défensive, qui demande encore plus d'art pour être bien conduite que les deux genres que nous venons de traiter. La guerre défensive a lieu par trois causes : l'une, que vos troupes ne sont pas assez nombreuses pour agir vigoureusement contre l'ennemi; l'autre, que vos troupes ont été découragées et affaiblies par quelque mauvais succès; et la troisième, que vous attendez des secours. Une règle générale pour ces sortes de guerres est de ne jamais se borner à une défensive trop restreinte, et surtout de ne point perdre de l'esprit l'idée de changer, à la première occasion, la défensive en offensive. Les officiers ignorants croient qu'ils font bien la guerre défensive quand ils reculent toujours devant leurs ennemis pour éviter tout engagement, et il leur arrive comme au duc de Cumberland, qui, ayant perdu par sa faute, et parce qu'il le voulait bien, la bataille de Hastenbeck, s'enfuit jusqu'à Stade, sur le bord de la mer, où il signa avec le maréchal de Richelieu une capitulation honteuse. Ce prince, s'il avait été général, n'aurait pas aban