<87>son camp est mal pris, soit pour lui enlever quelque corps détaché qu'il ne saurait soutenir, soit pour engager une affaire d'arrière-garde, si sa mauvaise conduite y donne lieu, soit pour lui faire une guerre de subsistance en lui enlevant des convois, en battant ses fourrageurs, ou bien en profitant de l'hiver pour tomber sur ses quartiers, s'il ne les a pas bien assurés. De petits succès multipliés font l'équivalent d'une bataille gagnée, et décident à la longue de la supériorité.

Je ne puis vous citer un plus bel exemple d'une guerre défensive bien conduite sur ces principes que celui de la guerre de l'année 1758, où le prince Ferdinand, à la tête des mêmes troupes avec lesquelles le duc de Cumberland avait si lâchement combattu, tomba dans les quartiers de l'armée française, les chassa du pays de Brunswic et de Hanovre, et les fit repasser le Wéser, la Lippe et le Rhin en moins de deux mois d'opérations. Notez que dans toute cette armée il n'y avait de vrais généraux que le prince Ferdinand et le Prince héréditaire. Les campagnes qu'il fit dans la suite, quoique moins brillantes, sont du même genre, parce que les Français n'avaient pas moins de cent mille hommes en Allemagne, et que le prince Ferdinand ne leur en pouvait opposer que soixante mille. Cette infériorité, qui aurait découragé tout autre, ne l'empêcha pas de couvrir toute la Basse-Saxe et une partie de la Westphalie contre les entreprises des Français, et de les battre quelquefois par deux reprises dans le cours d'une campagne. La façon dont le prince Ferdinand conduisit cette guerre a rendu son nom célèbre. C'est à de telles marques que l'on distingue les véritables généraux de ceux qui n'en portent que le nom. Comparez sa conduite avec celle de tous ces maréchaux que la France lui a opposés, et vous verrez combien il leur était supérieur; lui seul valait quarante mille hommes à l'année des alliés. Un autre exemple, mais moins brillant et d'un genre fort inférieur, que je pourrais vous citer d'une bonne défensive est celui de Charles-Emmanuel, roi de Sardaigne. Il défendit bien le passage des Alpes l'année 1747 et, ayant occupé avec beaucoup d'art et de sagacité le col de l'Assiette, il anéantit, par cet obstacle qu'il leur présenta, les desseins des Espagnols et des Français. Le chevalier de Belle-Isle,