<88>qui commandait les alliés, attaqua trop à la légère ce poste important; ses troupes fuient partout repoussées, et il y perdit la vie. Les Français et les Espagnols repassèrent le Var, et le roi de Sardaigne eut la gloire d'avoir préservé, pour cette campagne, ses Etats des inondations des ennemis. Ces avantages n'étaient dus qu'au choix judicieux d'un poste inexpugnable et des bonnes mesures qu'il avait prises.
Si une armée est réduite à la défensive par quelque échec ou par une bataille perdue, la règle et l'expérience demandent qu'on se retire, après une défaite, le moins que possible. Il est bien rare qu'il ne se rencontre pas quelque poste à une demi-lieue d'un champ de bataille; c'est là qu'il faut s'arrêter; en voici les raisons. Plus vous fuyez, plus vous augmentez vos pertes; des blessés qui se traînent avec peine une demi-lieue ne peuvent vous suivre deux lieues, et sont par conséquent pris par l'ennemi. Plus vous abrégez le chemin de votre retraite, moins vos soldats se débanderont. Observez encore que, en cédant peu de terrain à l'ennemi, vous diminuez de beaucoup sa victoire, car on ne fait la guerre que pour gagner du pays. Ajoutez surtout à ces réflexions que jamais armée n'est moins disposée à se battre qu'immédiatement après des victoires; tout le monde rit aux anges, chacun exagère ses hauts faits d'armes, la multitude est charmée d'être heureusement sortie des grands dangers auxquels elle a été exposée, et personne n'a l'envie de les affronter sur-le-champ. Aucun général ne ramènera le lendemain ses troupes victorieuses au l'eu; vous pouvez demeurer en toute sécurité dans votre camp, donner à vos troupes le temps de se reconnaître; les soldats se raccoutumeront à la vue de l'ennemi, et dans peu les esprits se remettront dans leur assiette naturelle.
Si votre ennemi est fort de soixante mille hommes, et qu'il ne vous en reste que quarante-cinq mille, vous ne devez pas vous décourager du tout, parce que vous avez cent ressources pour vous revancher de l'affront que vous venez d'essuyer. Quarante-cinq mille hommes bien menés en valent plus que soixante mille sous un général médiocre. S'il ne vous reste que trente mille hommes contre soixante mille, dont nous supposons les forces de votre ennemi, votre cas devient plus embarrassant, et il vous