<117>Ce fut là la troisième bataille qui se donna pour décider à qui appartiendrait la Silésie, et ce ne fut pas la dernière : quand les souverains jouent pour des provinces, les hommes sont les jetons qui les payent. La ruse prépara cette action, et la valeur l'exécuta. Si le prince de Lorraine n'avait pas été trompé par ses espions, qui l'étaient eux-mêmes, il n'aurait jamais donné aussi grossièrement dans le piège qui lui était préparé; ce qui confirme la maxime, de ne jamais s'écarter des principes que l'art de la guerre prescrit, et de la circonspection qui doit obliger tout général qui commande à suivre invariablement les règles que la sûreté exige pour l'exécution de ses projets. Quand même tout semble favoriser les projets que l'on médite, le plus sûr est toujours de ne pas assez mépriser son ennemi pour le croire incapable de résistance. Le hasard conserve toujours ses droits : dans cette action même, un quiproquo pensa devenir funeste aux Prussiens. Au commencement du combat, le Roi tira dix bataillons de la seconde ligne sous les ordres du lieutenant-général de Kalckstein, pour renforcer le corps de Du Moulin, et il envoya un de ses aides de camp pour avertir le margrave Charles de prendre le commandement de la seconde ligne d'infanterie dans l'absence de M. de Kalckstein. Cet officier peu intelligent dit au Margrave de renforcer la seconde ligne avec sa brigade qui était à l'extrémité de la gauche. Le Roi s'aperçut à temps de cette bévue, et il la redressa avec promptitude. Si le prince de Lorraine avait profité de ce faux mouvement, il aurait pu prendre en flanc la gauche des Prussiens, qui n'était pas encore appuyée au ruisseau de Striegau : tant le sort des États et la réputation des généraux tient à peu de chose; un seul instant décide de la fortune. Mais il faut avouer, vu la valeur des troupes qui combattirent à Friedeberg, que l'État ne courait aucun risque; il n'y eut aucun corps de repoussé : de soixante-quatre bataillons, vingt-