<12>cet inconvénient, le Roi vint se camper auprès d'Aschaffenbourg; mais ce remède ne suffit pas pour obvier à la négligence qu'on avait eue de ne pas amasser assez de vivres. Le Rhin pouvait fournir des secours; et le Roi, s'éloignant de cette rivière, se trouva plus resserré qu'auparavant par le Main et par les Français qui gardaient l'autre bord, et sur ses derrières par les montagnes arides du Spessart : il ne s'aperçut que trop tôt de sa faute. Le maréchal de Noailles affama le monarque anglais dans son camp; et comme il prévit que celui-ci ne pouvait y rester que peu de jours, Noailles conçut un dessein digne du plus grand capitaine : il prit Dettingen, et fit construire deux ponts sur le Main, et préparer à côté des gués pour sa cavalerie. Toutes ces choses s'exécutèrent sans que le roi d'Angleterre en eût vent : c'était le prélude de la bataille qui devait se donner bientôt.
Pour en avoir une idée précise, il est bon de savoir que l'armée anglaise, affamée vers les sources du Main, ne pouvait trouver des subsistances qu'en prenant le chemin de Hanau. Sa gauche, longeant toujours le Main au sortir de ces monticules, traversait la petite plaine de Dettingen. M. de Noailles, en connaissance de cause, tenait un détachement tout prêt pour occuper Aschaffenbourg au moment où les Anglais en sortiraient. Il avait fait dresser tout le long du Main des batteries masquées, dont il pouvait tirer à bout portant sur les colonnes des alliés en marche; la plus forte partie de son armée devait passer le Main, pour se ranger derrière un ruisseau qui du Spessart coule devant ce front, et va se jeter dans le Main : ces troupes coupaient précisément le chemin de Hanau. Le roi d'Angleterre trouvait donc à ce débouché une armée en face et des batteries en flanc. Si le maréchal de Noailles avait aussi exactement exécuté ce projet qu'il l'avait conçu avec sagesse, le roi d'Angleterre aurait été forcé, ou d'attaquer l'armée française dans un poste très-avantageux, pour s'ouvrir l'épée à la main le passage à Hanau, ou bien de se retirer par les déserts du Spessart, où ses troupes se seraient infailliblement débandées, faute de subsistances. La faim chassa les Anglais d'Aschaffenbourg, comme Noailles l'avait prévu. Les troupes, qui avaient campé par corps, ne marchaient point par colonnes, mais se suivaient par distances : première-