<128>fantôme de cette dignité, et qu'elle en était l'âme. Cette princesse fit trop éclater sa morgue et sa hauteur pendant son séjour à Francfort : elle traitait les princes comme ses sujets; elle fut même plus qu'impolie envers le prince Guillaume de Hesse.a Elle annonçait ouvertement dans ses discours qu'elle perdrait plutôt son cotillon que la Silésie; elle disait du roi de Prusse qu'il avait quelques qualités, mais qu'elles étaient ternies par l'inconstance et par l'injustice. Par le moyen d'émissaires secrets, le Roi avait fait lâcher à Francfort quelques propos de paix, mais qui furent tous rejetés. La fermeté de l'Impératrice se changeait quelquefois en opiniâtreté : elle était comme enivrée de la dignité impériale qu'elle venait de remettre dans sa maison; elle n'était occupée que de perspectives riantes, et elle croyait déroger à sa grandeur en entrant en négociation d'égal à égal avec un prince qu'elle accusait de rébellion. A ce motif de vanité se joignaient des raisons d'État plus solides. Depuis Ferdinand Ier les principes de la maison d'Autriche tendaient à établir le despotisme en Allemagne : rien n'était donc plus contraire à ce dessein, que de souffrir qu'un électeur s'accrût trop en puissance; qu'un roi de Prusse, fortifié des dépouilles de l'empereur Charles VI, employant ses forces contre l'ambition autrichienne, soutînt contre elle avec trop d'efficace les libertés du corps germanique. Voilà les véritables raisons qui empêchèrent la cour de Vienne d'accéder au traité de Hanovre. Le roi de Pologne avait des raisons différentes : son objet principal était de conserver la couronne de Pologne dans sa maison, et pour l'assurer davantage, il croyait, par cette guerre, gagner une communication de la Saxe en Pologne par la Silésie; il ambitionnait de posséder le duché de Glogau, ou plus même, s'il pouvait l'obtenir; et Brühl qui jugeait le roi de Prusse aux abois, ne voulait point le resserrer à composition. Les espérances bien ou mal fondées de ces deux cours empêchèrent que la convention de Hanovre ne fût alors changée en paix entre ces trois puissances belligérantes. Cependant le roi d'Angleterre se flattait qu'à force d'insister sur la même chose, il rangerait enfin l'Impératrice et le roi de Pologne à son
a Le prince Guillaume de Hesse était du parti de l'empereur Charles VII. Voyez p. 17.