<137>fait sa disposition : il voulait engager une affaire d'arrière-garde, et il est sûr que celle-là lui aurait réussi. Mais le Roi prit sans balancer le parti de l'attaquer, parce qu'il aurait été plus glorieux d'être écrasé en vendant chèrement sa vie, que de périr dans une retraite qui aurait assurément dégénéré en fuite ignominieuse.

Quelque danger qu'il y ait à manœuvrer en présence d'un ennemi déjà rangé en bataille, les Prussiens passèrent par-dessus ces règles, et firent un quart de conversion à droite pour présenter un front parallèle à celui de l'ennemi. Cette manœuvre délicate se fit avec un ordre et une célérité inconcevables; mais les Prussiens ne se présentèrent que sur une ligne vis-à-vis des Autrichiens, qui étaient sur trois lignes de profondeur; il fallut même que ce déploiement s'exécutât sous le feu de vingt-huit pièces de canon que les ennemis avaient disposées en deux batteries, et d'un bon nombre de grenades royales qu'ils jetaient dans la cavalerie : mais rien ne déconcerta les Prussiens; aucun soldat ne changea de visage à cette formation, aucun ne quitta son rang. Quelque diligence que l'on employât à se former ainsi, la droite fut exposée près d'une demi-heure au canon de l'ennemi, avant que la gauche fût entièrement sortie du camp. Alors le maréchal de Buddenbrock reçut ordre d'attaquer avec la cavalerie; ce qu'il exécuta sans balancer. Les Autrichiens avaient mal pris leur terrain : leur cavalerie avait une espèce de précipice derrière elle; elle était sur trois lignes, auxquelles le terrain étroit n'avait pas permis de donner une distance convenable; à peine y avait-il entre chaque ligne vingt pas d'intervalle. Ils tirèrent de la carabine selon leur usage; mais ils n'eurent pas le temps de mettre l'épée à la main, qu'ils furent culbutés en partie dans le fond qu'ils avaient derrière eux, et en partie jetés sur leur propre infanterie. Cela devait arriver; car la première ligne étant renversée devait nécessairement se jeter sur la seconde, celle-là sur la troisième; et il n'y avait point d'espace où ces corps, qui faisaient cinquante escadrons, pussent se reformer.

La première brigade de l'infanterie de la droite des Prussiens, animée par ces premiers succès, attaqua avec trop de hâte ces batteries des Autrichiens dont nous avons parlé : vingt-huit canons chargés à mitraille éclaircirent dans un moment les rangs