<139>tâchaient de se rallier sur ces hauteurs; mais, repoussés à plusieurs reprises, la confusion devint générale, et leur retraite se changea en fuite. Toute la campagne était couverte de soldats débandés; cavaliers et fantassins, tout était mêlé ensemble.
Tandis que l'armée prussienne victorieuse poursuivait à grands pas les vaincus, les cuirassiers de Bornstedt, qui combattaient à la gauche, enveloppèrent le régiment de Damnitz et un bataillon de Kolowrat, prirent dix drapeaux, et firent dix-sept cents prisonniers. Le reste de la cavalerie de la gauche ne put atteindre la cavalerie autrichienne, qui évita de s'engager, et se retira en assez bon ordre dans la forêt de Silva. Le Roi arrêta la poursuite au village de Soor, dont la bataille porte le nom. Derrière ce village est cette forêt de Silva dont nous avons tant parlé; il ne fallait pas s'y engager à la suite de l'ennemi : on aurait risqué de perdre mal à propos et sans nécessité tous les avantages qu'on venait d'obtenir; c'était bien assez qu'un corps de dix-huit mille hommes en eût battu au delà de quarante mille, et même il n'y avait rien à gagner en se hasardant d'aller plus loin.
Les victorieux perdirent le prince Albert de Brunswic;a le général Blanckensee;b les colonels Buntsch,c Bredow, Blanckenbourg, Dohna, Ledebur; les lieutenants-colonels Lange et Wedelld des gardes, et mille soldats : victimes illustres qui sacrifièrent leur vie pour le salut de l'État. On comptait que le nombre des blessés montait à deux mille. Les vaincus perdirent vingt-deux canons, dix drapeaux, deux étendards, trente officiers et deux mille soldats qui furent faits prisonniers. Le prince Léopold se distingua dans cette journée, mais surtout le maréchal de Bud-
a Albert duc de Brunswic-Wolfenbüttel, né le 4 mai 1725, fils du duc Ferdinand-Albert et frère cadet de la reine de Prusse, femme de Frédéric le Grand, ainsi que du célèbre feld-maréchal duc Ferdinand. Au mois de décembre 1744 il devint colonel dans l'armée prussienne et chef du régiment d'infanterie no 39.
b Wolf-Christophe de Blanckensee, général-major et chef du régiment d'infanterie no 23. La balle qui le tua à la bataille de Soor, enleva du même coup la vie à son fils, alors son adjudant.
c Les éditeurs de 1788 ont ôté le nom du colonel Conrad-Godefroi de Buntsch, commandeur du régiment du margrave Charles.
Christophe-Frédéric de Bredow, lieutenant-colonel des gendarmes, qui périt auprès de Soor. a été déjà mentionné honorablement t. II, p. 129.
d Voyez ci-dessus p. 78.