<141>à propos. On disait qu'au moins le Roi aurait dû être averti de la marche des Autrichiens : il répondait à cette accusation, que l'ennemi lui étant de beaucoup supérieur en troupes légères, il ne pouvait aventurer fort loin les cinq cents hussards qui lui restaient après tous les détachements qu'il venait de faire. Mais, objectait-on, il ne fallait pas tant faire de détachements, et s'affaiblir si fort vis-à-vis d'une armée supérieure : il répondait que le corps de Gessler et de Polentz qui alla joindre le prince d'Anhalt, pouvait être évalué contre les Saxons qui s'en retournèrent chez eux; que le détachement du général de Nassau avait été de nécessité pour pouvoir tirer de la Silésie ses subsistances, qui auraient manqué tout à fait si les Hongrois qui infestaient tout ce duché, n'en eussent été chassés; que les détachements de Du Moulin et de Lehwaldt avaient été indispensables dans les gorges des montagnes, qu'il fallait garder, ou risquer d'être affamé par l'ennemi. On n'avait qu'autant de chevaux qu'il en fallait pour apporter pour cinq jours de farine à chaque transport : si un de ces convois eût manqué, l'armée aurait été sans pain et sans subsistances. On disait que le Roi aurait dû se retirer en Silésie, plutôt que de hasarder une bataille en Bohême : mais le Roi était d'opinion qu'une bataille perdue en Bohème était de moindre conséquence qu'une bataille perdue en Silésie; et d'ailleurs une retraite précipitée aurait indubitablement attiré la guerre dans ce duché; ajoutez à cela que l'on consommait en Bohème les subsistances de l'ennemi, et qu'en Silésie on aurait consumé les siennes. Mais nous laissons au lecteur la liberté de peser ces raisons et d'en juger. On ne peut attribuer le gain de cette bataille qu'au terrain étroit par lequel le prince de Lorraine vint attaquer le Roi : ce terrain ôtait à l'ennemi l'avantage de la supériorité du nombre. Les Prussiens purent lui opposer un front aussi large que celui qu'il leur présentait. La multitude des soldats devenait inutile au prince de Lorraine, parce que ses trois lignes, presque sans distance, pressées les unes sur les autres, n'avaient pas la facilité de combattre, et que la confusion s'y mettant une fois, elle rendait le mal irrémédiable. Mais la fortune de la Prusse consista dans la valeur des troupes, qui répara les fautes de leur chef, et punit les ennemis des leurs.