<156>L'armée campa à Catholisch-Hennersdorf, et l'on avertit les troupes que si l'on était obligé de les fatiguer pendant quelques jours, c'était pour leur épargner des batailles. Quoique la moitié de l'armée manquât de tentes, que plusieurs régiments n'eussent que des culottes de toile, ils se prêtèrent tous de bonne grâce à ce qu'ils voyaient que la nécessité exigeait d'eux. Cet heureux début fit augurer que le prince de Lorraine ne tiendrait pas contre les Prussiens. On se proposa de profiter de la consternation que l'enlèvement d'un de ses quartiers devait causer dans son armée, et de la talonner tout de suite, pour ne lui pas laisser le temps de revenir à lui-même.
Le lendemain 24, le temps était si obscur et le brouillard si épais, qu'on fut, pour la sûreté, obligé d'avancer en tâtonnant. On se campa derrière le village de Léopoldshayn; et, pour plus de sûreté, l'on plaça quinze bataillons dans ce village. Les coureurs rapportèrent que l'ennemi se retirait partout; qu'on ne trouvait dans les chemins que chariots dételés, bagages renversés, chariots de poudre abandonnés, en un mot, tout ce qui attestait et servait de témoignage de leur fuite. Les déserteurs, qui arrivaient en grand nombre, disaient que la confusion s'était mise dans leurs troupes à cause que, les deux derniers jours, on leur avait donné vingt ordres différents ou contradictoires.
Toutefois on apprit, le 25 de bon matin, que le prince de Lorraine avait rassemblé son armée à Schönfeld,a à une lieue du camp du Roi. Le Roi ne balança pas : le jour était serein, il se mit incontinent en marche, dans le dessein d'attaquer les ennemis. En approchant de Görlitz, ses partis lui rapportèrent que les ennemis avaient décampé à petit bruit, et qu'ils avaient pris le chemin de Zittau. L'armée prussienne se campa auprès de Görlitz, qui se rendit par composition; soixante officiers et deux cent cinquante hommes y furent faits prisonniers de guerre : parmi ces officiers il y en avait de malades, et quelques-uns qui, ayant été
a Schönberg.