<162>avait pas un moment à perdre pour être à portée d'agir de concert. Le pont de Meissen était de la dernière importance, il fallait s'en saisir avant que l'ennemi ne pensât à le ruiner; mais M. de Lehwaldt ne pouvait s'emparer de la ville, située sur la rive gauche de l'Elbe, qu'à l'aide du prince d'Anhalt. Faute de nouvelles, le Roi supputa les jours de marche de ce prince, et il calcula qu'il pourrait arriver à Meissen le 8 ou le 9 de décembre au plus tard. Lehwaldt s'y rendit ce jour; le prince d'Anhalt n'arriva point : la rivière, qui justement charriait des glaces, empêcha M. de Lehwaldt d'y construire son pont avec ses pontons. Tous ces incidents retardèrent donc cette expédition.

Le sieur de Villiers, qui était à Prague, expédia un courrier au Roi, dont les dépêches contenaient que le roi de Pologne n'enverrait aucun ministre avec des pleins pouvoirs; que, bien loin de là, il attendait de nombreux secours de ses alliés, avec lesquels il se vengerait, dans l'électorat de Brandebourg, des dégâts qu'il prétendait que les Prussiens avaient faits en Saxe; qu'il pensait avoir dû quitter Dresde, s'attendant à être moins ménagé encore dans une guerre ouverte, qu'il ne l'avait été dans les écrits qui l'avaient précédée. On voit qu'il s'agit bien plus de Brühl dans ce dernier article, que du Roi même. Le Roi répondit en substance au sieur Villiers : " Qu'il admirait la hauteur et l'inflexibilité du roi de Pologne; que, sans avoir d'animosité contre ce prince, il était impossible de nourrir une armée de quatre-vingt mille hommes dans un pays, sans qu'il éprouvât quelques calamités; que si les ennemis avaient eu la fortune propice, comme elle leur était contraire, ils n'auraient pas usé d'autant de modération dans le Brandebourg que le Roi en usait en Saxe; qu'ils auraient tout pillé, brûlé, abîmé, comme on en avait des exemples en Silésie : mais puisque le roi de Pologne voulait la guerre, on la lui ferait plus vive et avec plus de feu que jamais. "

Le 9 arrivent des dépêches du prince d'Anhalt, datées de Torgau. Il mandait qu'il avait fait deux cents prisonniers dans cette ville, et rejetait la lenteur de sa marche sur les difficultés d'amasser des vivres et des chariots. C'étaient des prétextes pour excuser ses délais : il employa neuf jours à faire neuf milles. Sa conduite était d'autant moins excusable, qu'il avait un magasin à sa dis-