<24>n'avait point de créditif, et sa mission devint un jeu, une simple plaisanterie.c
Dans cette paix dont jouissait la Prusse, deux objets intéressants étaient toujours présents à ses yeux, le soutien de l'Empereur, et la paix générale. Pour ce qui regardait l'Empereur, comme la France l'avait abandonné, le seul moyen qu'il y eût pour le soutenir, était de former, comme nous l'avons dit, une ligue des princes de l'Empire,a qui levassent l'étendard pour secourir le chef de l'empire germanique. On avait déjà essayé d'inspirer ces sentiments aux souverains de l'Allemagne, mais en vain. Le Roi, pour essayer par de nouveaux efforts s'il ne pourrait pas les déterminer à ce que leur intérêt et la gloire demandaient deux, entreprit lui-même de s'aboucher avec différents souverains. Sous prétexte de rendre visite aux margraves de Baireuth et d'Ansbach ses sœurs, il se rendit dans l'Empire : il poussa même jusqu'à Hohen-Oettingen, sous prétexte de voir les débris de l'armée bavaroise,b mais, dans le fond, pour délibérer avec le maréchal de Seckendorff sur les moyens qu'on pourrait mettre en jeu pour assister l'Empereur. Toutes les tentations, toutes les représentations, toutes les raisons furent inutiles. Les enthousiastes de la maison d'Autriche se seraient sacrifiés pour elle, et ceux qui étaient attachés à l'Empereur étaient si intimidés par tant de revers qui accablaient ce prince, qu'ils croyaient perdre leurs États le moment même qu'ils se résoudraient à le secourir.
La duchesse douairière de Würtemberg se trouva alors à Baireuth; elle désira que le Roi lui rendît ses fils, dont elle lui avait
c Arrivé à Berlin le 30 août 1743, Voltaire soumit au Roi neuf points diplomatiques, précédés de ces mots pour toute introduction : " Votre Majesté aurait-elle assez de bonté pour mettre en marge ses réflexions et ses ordres? " Frédéric tourna la chose en plaisanterie, et ajouta à chacune de ces neuf propositions quelques railleries en prose ou en vers, et qui n'avaient en rien rapport à la politique. Voyez Œuvres de Voltaire, avec préfaces, avertissements, notes, etc. par M. Beuchot. Paris, 1831, t. LIV, p. 596-599.
a On voit ici la première idée de cette ligue entre les princes d'Allemagne, que le Roi ne parvint à réaliser que dans les dernières années de sa vie.
b Le Roi vit les débris de l'armée bavaroise à Wembdingen, ville située entre la principauté de Neubourg et le comté d'Oettingen. Voyez. Leben des Feldmarschalls Grafen Seckendorff, 2e partie, p. 325.