<28>d'être sur ses gardes, et de se préparer même à la guerre, si la nécessité la rendait nécessaire. Comme le Roi s'était toujours méfié des ennemis avec lesquels il avait fait la paix, il avait eu une attention particulière à se préparer à tout événement. Une bonne économie avait en quelque manière réparé les brèches de la dernière guerre, et l'on avait amassé des sommes qui pouvaient suffire, en les employant avec prudence, à la dépense de deux campagnes. A la vérité les forteresses étaient plutôt ébauchées qu'en état de défense : les augmentations dans l'armée étaient achevées, les munitions de guerre et de bouche, amassées pour une campagne. En un mot, l'acquisition de la Silésie ayant donné de nouvelles forces à l'État, la Prusse était capable d'exécuter avec vigueur les desseins de celui qui la gouvernait. Il restait à prendre des mesures pour ne rien appréhender de ses voisins, surtout pour se conserver le dos libre, en se proposant d'agir d'un autre côté.
De tous les voisins de la Prusse l'empire de Russie mérite le plus d'attention, comme le plus dangereux : il est puissant, et il est voisin; ceux qui à l'avenir gouverneront la Prusse, seront également dans la nécessité de cultiver l'amitié de ces barbares. Le Roi appréhendait moins le nombre de leurs troupes que cet essaim de Cosaques et de Tartai es qui brûlent les contrées, tuent les habitants ou les emmènent en esclavage : ils font la ruine des États qu'ils inondent. D'ailleurs, à d'autres ennemis on peut rendre le mal pour le mal, ce qui devient impossible envers la Russie, à moins d'avoir une flotte considérable pour protéger et nourrir l'armée qui dirigerait ses opérations sur Pétersbourg même. Dans cette vue de se concilier l'amitié de la Russie, le Roi mit tout en œuvre pour y parvenir; il poussa même ses négociations jusqu'en Suède. L'impératrice Élisabeth se proposait alors de marier le grand-duc son neveu, afin de s'assurer d'une lignée. Quoique son choix ne fût pas fixé, son penchant la portait à donner la préférence à la princesse Ulrique de Prusse, sœur du Roi. La cour de Saxe avait dessein de donner la princesse Marianne, seconde fille d'Auguste, au Grand-Duc, pour gagner du crédit, à la faveur de cette alliance, auprès de l'Impératrice. Le ministre de Russie, dont la vénalité aurait mis sa maîtresse à