<37>le monde crut que la Suède ferait revivre tôt ou tard ses droits sur cette province, et cependant cela n'arriva pas. Cette comparaison est fausse, et ce raisonnement tombe de lui-même. Comment mettre en parallèle un royaume ruiné, épuisé et démembré comme la Suède, avec la puissante maison d'Autriche, qui, loin d'avoir fait des pertes, médite actuellement des conquêtes? Les partisans outrés de la reine de Hongrie soutiennent qu'il n'y a point d'exemple que la maison d'Autriche ait commencé une guerre pour récupérer des provinces perdues : il ne faut citer de tels faits qu'à des ignorants. Cette maison n'a-t-elle pas voulu reconquérir la Suisse? Combien de guerres n'a-t-elle pas entreprises pour rendre la Hongrie héréditaire? Et quelle était cette guerre entreprise par Ferdinand II pour chasser Frédéric V, électeur palatin, de la Bohême, dont il avait été élu roi par les vœux des peuples? Ne fut-ce pas une guerre sanglante que la maison d'Autriche fit à Bethlen-Gabor pour lui ravir la Transylvanie? Enfin, qu'est-ce qui excite à présent la reine de Hongrie à presser les Français avec tant d'ardeur, si ce n'est l'espérance de reconquérir l'Alsace, la Lorraine, et de détrôner l'Empereur? Raisonnait-on bien à Vienne quand on y disait : il est impossible que le roi de Prusse nous attaque, car aucun de ses aïeux ne nous a fait la guerre? Ne nous trompons point : les exemples du passé, fussent-ils même vrais, ne prouvent rien pour l'avenir. Cette assertion-ci est plus sûre : tout ce qui est possible peut arriver. 10o Pour fortifier tous ces arguments par des preuves plus palpables, je n'ai qu'à vous rappeler un propos que M. de Molé, général autrichien passant par Berlin, tint à M. de Schmettau : " Ma cour n'est pas assez mal avisée pour attaquer la Silésie; nous sommes alliés avec la cour de Dresde; le chemin de la Lusace est le plus direct qui mène à Berlin : c'est là où il nous convient de faire la paix. " Vous direz que Molé parlait au hasard; mais voyez ce qui confirme que le dessein de faire la paix à Berlin était celui de la cour de Vienne : le prince Louis de Brunswic avait entendu parler de ce même plan, de la bouche de la reine de Hongrie, au service de laquelle il était; il en avait fait confidence à son frère le duc régnant, et celui-là me l'avait communiqué. Un aveu de la bouche de l'ennemi tient lieu d'une démonstration. Je