<44>conseil de Versailles dans cette entreprise. Voulait-il établir le prince Édouard en Angleterre, ou était-ce un leurre pour affaiblir les troupes alliées en Flandre? Ces simples préparatifs d'une descente produisirent aux Français, pour le commencement de la campagne, tout ce qu'aurait produit une diversion réelle. Pour ce qui regarde le projet d'établir le prince Édouard en Angleterre, il avait été formé par le cardinal Tencin : il tenait son chapeau de la nomination du Prétendant, et pour lui témoigner sa reconnaissance, il essaya, autant qu'il était en lui, de procurer à son fils la couronne d'Angleterre. L'expédition manqua, parce que les vents furent contraires : excuse banale de tous les marins. Ce qu'il y a de sûr, c'est que l'amiral de cette flotte, nommé Roquefeuille, n'osa tenter le passage de la Manche en présence d'une flotte supérieure.
Les troupes françaises n'avaient point vu de roi à leur tête depuis que Louis XIV avait cessé d'y paraître; quelques campagnes malheureuses avaient découragé les armées : on crut que la présence du maître serait le seul aiguillon capable d'éveiller l'instinct d'honneur et de gloire qui ne se trouvait plus dans les troupes. Une femme, par amour de la patrie, entreprit de tirer Louis XV de la vie oisive qu'il menait, pour l'envoyer commander ses armées : elle sacrifia à la France les intérêts de son cœur et de sa fortune; c'était madame de Châteauroux. Elle parla avec tant de force, elle conseilla, elle pressa si vivement le Roi, que le voyage de Flandre fut résolu. Une action aussi généreuse et même héroïque, mérite d'autant plus d'être insérée dans les fastes de l'histoire, que les maîtresses qui l'ont précédée, n'ont employé leur crédit que pour le malheur du royaume. Louis XV ouvrit la campagne en Flandre par le siège de Menin. Le gouverneur de la place, peu versé dans son métier, la rendit après une légère résistance. Immédiatement après, les Français entreprirent le siège d'Ypres, qui, quoique mieux défendue, essuya le même destin. La force des armes françaises consiste dans les sièges : ils ont les plus habiles ingénieurs de l'Europe; l'artillerie nombreuse qu'ils emploient dans leurs opérations, les assure de la réussite de leurs entreprises. Le Brabant et la Flandre sont le théâtre de leurs exploits, parce qu'ils y peuvent étaler tout l'art de leurs