<46>conclure avec l'électeur de Mayence. La partialité de ce prince pour la cour de Vienne était trop marquée pour qu'on s'y trompât, et les subsides qu'il tirait des Anglais ne laissaient aucun doute que, malgré sa neutralité, il n'accordât aux troupes de la Reine le passage par Mayence, si on l'exigeait de lui.
Les Autrichiens, qui jouissaient déjà en imagination de leur fortune, ne pouvaient s'empêcher de laisser échapper de temps en temps des bluettes de fierté et d'arrogance. Ils faisaient construire un pont à Mannheim, et agissaient despotiquement dans le Palatinat. L'Électeur s'en trouva offensé, comme de raison. Cela donna lieu à des piquanteries; enfin cela finit par un message du prince de Lorraine à l'Électeur, pour lui faire signifier que s'il ne donnait pas son pont de Mannheim sur-le-champ, il le lui ferait enlever de force. Le maréchal Traun en fit des excuses à l'Électeur, en lui insinuant que c'était après une longue séance de table, où la tempérance n'avait pas trop été gardée, que le prince de Lorraine s'était expliqué en termes si peu mesurés.
En attendant, le maréchal de Coigny, dont l'intention était de défendre les bords du Rhin depuis Mayence jusqu'à Fort-Louis, s'était posté avec ses forces principales sur les bords de la Queich, d'où il s'avança vers Spire, et poussa ses détachements jusqu'à Worms et même jusqu'à Oppenheim. Ce mouvement se fit sur ce qu'il apprit que M. de Bärenklau, avec un détachement de l'armée de la Reine, avait marché à Germersheim vers Fribourg. Bärenklau fit jeter un pont sur un bras du Rhin près de Stockstadt, pour donner le change aux Français, et les attirer de ce côté-là. En même temps, le prince de Lorraine fit un mouvement avec son armée, comme s'il avait intention de passer le Necker avec sa droite pour se joindre à Bärenklau. Le maréchal de Coigny, trop crédule, se laissa abuser par ces vaines démonstrations, et commit deux fautes tout de suite : l'une, en faisant passer le Rhin à Seckendorff, qu'il chargea de défendre la partie de ce fleuve qui coule entre Spire et Lauterbourg; l'autre, en se portant avec son armée vers Worms et Frankenthal. Il lui était facile de juger que le prince de Lorraine avait résolu de pénétrer en Alsace, et d'user de toutes les ruses de la guerre pour l'en éloigner le plus qu'il le pourrait; il devait savoir d'ailleurs que ce