<57>le bastion de Saint-Nicolas et Saint-Pierre. Le 15, les batteries du margrave Charles, à force de jeter des bombes, mirent le feu au moulin à eau, et détruisirent les écluses de la Moldau : les eaux en devinrent si basses, qu'elle était partout guéable, et qu'on pouvait prendre la ville d'emblée, y ayant de ce côté-là un assez grand espace sans rempart et sans muraille. M. de Harsch, qui commandait dans la ville, commença à désespérer de son salut : ce gouverneur s'aperçut que le 16, de grand matin, un gros corps de grenadiers défilait du côté de Bubenetsch; il prévit l'assaut qu'on se préparait à lui donner, demanda de capituler, et se rendit prisonnier de guerre avec sa garnison, qui consistait en douze mille hommes. Ce siège ne dura que six jours; il coûta aux assiégeants quarante morts et quatre-vingts blessés. Le même jour, les portes furent consignées, et la garnison fut conduite en Silésie, où elle fut distribuée dans les places.

La prise de Prague faisait un beau commencement de campagne. On devait supposer qu'il ferait impression sur les Saxons, et qu'ils se déclareraient moins que jamais pour la reine de Hongrie; il était à présumer qu'en dégarnissant leur électorat, ils ne le livreraient pas eux-mêmes au prince d'Anhalt, qui pouvait ruiner Leipzig, le siège de leur commerce, le nerf de leur État et la ressource de leur crédit : mais for des Anglais l'emporta à Dresde sur des intérêts plus durables.

Il se présentait alors pour l'armée prussienne le choix de deux opérations. L'une, que le Roi préférait, était de passer la Béraun, de pousser M. de Batthyani hors de la Bohême, et de s'emparer de Pilsen et du magasin considérable qu'on y formait pour l'armée du prince de Lorraine, et de pousser jusques aux gorges de Cham et de Furt, qui ouvraient les chemins de la Bohême aux Autrichiens du côté du Haut-Palatinat. Il est sûr que le prince de Lorraine pouvait se jeter sur Éger, où les Saxons l'auraient joint; qu'il pouvait suivre, en longeant l'Éger, le chemin que le maréchal de Belle-Isle avait pris dans sa retraite de Prague : mais d'où seraient venues les subsistances pour cette armée? Le margraviat de Baireuth était trop stérile pour en fournir, et de plus, qui aurait défendu l'Autriche, dont M. de Marwitz seul était en état de faire la conquête, ne trouvant rien devant lui qui pût