<60>hussards à Béraun et à Königssaal; cette dernière ville est située au confluent de la Béraun dans la Moldau, à deux milles au-dessus de Prague. Ces troupes légères infestèrent tellement les avenues, qu'elles interceptèrent toutes les livraisons que le plat pays devait faire, et que, les communications étant coupées, l'armée prussienne fut quatre semaines sans recevoir de nouvelles ni de Prague, ni de ce qui se passait dans le reste de l'Europe. On enleva deux malles destinées pour le Roi, de sorte qu'il ignorait non seulement la marche des Saxons, mais encore où pouvait être l'armée du prince de Lorraine.
Il doit paraître étrange qu'une armée aussi forte que la prussienne, n'ait pu tenir le plat pays en respect; le contraindre aux livraisons nécessaires; se procurer des subsistances; et avoir des espions en abondance pour être informée du moindre mouvement des ennemis : mais il faut savoir qu'en Bohême la grande noblesse, les prêtres et les baillis sont très-affectionnés à la maison d'Autriche; que la différence de religion causait une aversion invincible à ce peuple aussi stupide que superstitieux; et que la cour avait ordonné aux paysans, qui tous sont serfs, d'abandonner leurs chaumières à l'approche des Prussiens, d'enfouir leurs blés sous terre, et de se réfugier dans les forêts voisines, leur ajoutant la promesse de leur bonifier tout le dommage qu'ils pourraient souffrir des Prussiens. L'armée ne trouvait donc que des déserts sur son passage, des villages vides : personne n'apportait au camp de denrées à vendre; et le peuple, qui craignait la dureté rigoureuse des punitions autrichiennes, ne se laissait persuader par aucune somme qu'on lui offrait de donner. Ces embarras furent encore augmentés par un corps de dix mille hussards que les Autrichiens avaient fait venir de Hongrie, et qui coupèrent les communications à l'armée dans un pays qui n'était qu'un composé de marais, de bois, de rochers, et de tous les défilés qu'un terrain peut produire. L'ennemi avait, avec cette supériorité en troupes légères, l'avantage de savoir tout ce qui se faisait dans le camp du Roi; et les Prussiens n'osaient aventurer leurs batteurs d'estrade, à moins de les compter pour perdus, vu la supériorité de ceux des ennemis : de sorte que l'armée du Roi, toujours retranchée à la romaine, était réduite à l'enceinte de son camp.