<70>que le lieutenant-colonel de Wedell,a dont le bataillon se trouvait le plus proche, y était marché; que malgré le feu de cinquante canons, il avait repoussé trois fois les grenadiers autrichiens; que pendant cinq heures il avait disputé ce passage au prince de Lorraine; que les hussards qu'il avait envoyés à l'armée pour l'avertir de sa situation, ayant été tués en chemin par des uhlans qui s'étaient glissés dans les bois voisins, faute de secours il s'était retiré en bon ordre par la forêt de Wischenjowitz pour rejoindre l'armée.

Ce passage de l'Elbe était fâcheux, que les hussards en fussent cause par leur négligence ou non. Cette entreprise décidait de toute la campagne. Le temps employé à se plaindre du destin aurait été perdu; on ne songea qu'à remédier au mal autant que les circonstances le permettaient. L'armée reçut d'abord ordre de se rassembler à Wischenjowitz, qui était au centre de ses cantonnements; on ne laissa à Pardubitz que trois bataillons sous les ordres du colonel Retzow. L'armée se trouva à son rendez-vous le soir, à neuf heures, campée en ordre de bandière, à l'exception du corps de M. de Nassau qui était à Kolin, et de deux bataillons détachés, l'un à Brandeis et l'autre à Nimbourg. Le bataillon de Wedell perdit deux officiers et cent hommes, tant morts que blessés, à l'affaire de Selmitz, qui sera à jamais mémorable dans les fastes prussiens. Cette belle action valut à Wedell le nom de Léonidas. Le prince de Lorraine, surpris qu'un seul bataillon prussien lui eût disputé pendant cinq heures le passage de l'Elbe, dit aux officiers qui l'accompagnaient : " La Reine serait trop heureuse si elle avait dans son armée des officiers comme ce héros. "

La situation critique où se trouvaient les affaires, porta le Roi à rassembler les principaux officiers de ses troupes, pour délibérer avec eux sur le parti qu'il y avait à prendre. Cela roulait sur deux objets : ou de marcher à Prague, pour soutenir ce


a George-Vivigenz de Wedell, né en 1710 à Malchow dans la Marche-Ukraine, fut tué à la bataille de Soor. Dans son Épître à Stille, sur l'emploi du courage, et sur le vrai point d'honneur, le Roi a dit :
     

O Wedell, notre Achille, et vous Goltz, notre Ulysse,
A vos bras généreux nous devons nos succès, etc.