<82>A ces désagréments publics qu'essuyait Louis XV, il s'en joignait de particuliers. La duchesse de Châteauroux, exilée de Metz, mourut de douleur d'avoir essuyé un traitement aussi rigoureux. La convalescence du Roi ranima ses premières passions : l'Amour, que la Religion avait offensé, s'en vengea à son tour en ranimant dans le cœur du Roi la passion la plus vive qu'il eût jamais eue pour sa maîtresse. Dans le temps qu'on négociait son retour, il apprend qu'il l'a perdue pour toujours. Jamais sacrement ne causa tant de remords que celui que Louis XV avait reçu à Metz : il se reprocha la mort d'une personne qu'il avait tendrement aimée; des désirs qu'il ne pouvait plus satisfaire, et des regrets inutiles émurent si violemment la sensibilité, qu'il se retira pour quelque temps du monde, accablé de tristesse. Si la maladie de ce prince fut funeste à ses alliés et à sa maîtresse, elle lui procura au moins la satisfaction la plus douce qu'un souverain puisse avoir, le nom de Louis le Bien-Aimé, désignation préférable au titre de Saint et de Grand, que la flatterie, et rarement la vérité, donne aux rois.
Si le roi de France éprouvait des contre-temps, la Prusse était exposée à des malheurs plus réels depuis la mauvaise campagne de 1744 en Bohême : elle était devenue, d'auxiliaire qu'elle était, partie belligérante, et le théâtre de la guerre, qui avait été en Alsace, s'était transporté sur les frontières de la Silésie. La mauvaise volonté des Saxons s'était manifestée assez ouvertement pour prévoir que, si cela dépendait d'eux, ils tâcheraient d'attirer la guerre au cœur des anciens États prussiens. Il fallait, pour résister à ces ennemis, des dépenses exorbitantes, et avec cela même il aurait été presque impossible d'éviter la ruine du plat pays. Ces considérations faisaient envisager la paix comme Tunique moyen de se tirer d'une situation aussi critique. La Fiance s'était engagée d'assister efficacement les Prussiens; le Roi écrivit une lettre pathétique à Louis XV, pour lui rappeler ses engagements : il parut par sa réponse qu'il était aussi froid pour l'intérêt de ses alliés, que sensible aux siens propres; cependant la guerre de Bohême ne s'était faite que pour sauver l'Alsace.
Il ne manquait plus pour embrouiller davantage la politique des puissances européennes, que la mort de l'empereur Charles VII :