<114>venait de prendre à Budin : on savait que ce maréchal y attendait le lendemain une division de ses troupes, qui avait hiverné dans les cercles de Saatz et d'Éger; on voulut tenter de prévenir cette jonction; on voulut même essayer si l'on ne pourrait pas combattre ce corps avant qu'il fût à portée du camp de Budin. Pour cet effet, il fut résolu que la nuit même l'armée passerait l'Éger à un mille et demi au-dessus du camp de M. de Browne; et si l'occasion ne se présentait pas de battre cette division qui était en chemin, du moins résulterait-il de cette manœuvre qu'en tournant la position de M. de Browne on l'obligerait à l'abandonner. On établit en conséquence deux ponts à Koschtitz; ils ne furent achevés que le lendemain matin, que les troupes passèrent l'Éger. Les hussards qu'on envoya aussitôt à la découverte, rencontrèrent près de Penichb la division qui devait joindre M. de Browne. Cette division, étant informée du passage des Prussiens, se replia sur Welwarn, sans qu'il fût possible de l'entamer, parce que la moitié de l'armée avait à peine passé la rivière. Le maréchal Browne ne tarda pas à s'apercevoir que son poste était tourné : il comprit qu'il ne pouvait se joindre avec les troupes qui lui venaient qu'en se retirant à Welwarn, et il se mit aussitôt en marche pour y arriver; les hussards prussiens harcelèrent son arrière-garde, et lui prirent quelques prisonniers.

L'armée du Roi se campa à Budin, et employa le lendemain à réparer les ponts de l'Éger, pour assurer la communication de la Saxe; les magasins importants que les ennemis avaient à Martinowes, à Budin et à Charwatetz, tombèrent entre les mains des Prussiens; ce qui facilita considérablement la subsistance des troupes. De Budin l'armée s'avança sur Welwarn, que l'ennemi venait d'abandonner, et l'on poussa jusqu'à Tuchomierzitz une avant-garde composée de quarante escadrons et de tous les grenadiers de l'armée; le Roi, qui s'y trouvait, vit l'armée de M. de Browne, qui était encore en marche; derrière ces colonnes qui défilaient, suivait une arrière-garde dont la contenance mal assurée fit naître l'envie de l'attaquer : M. de Zieten donna dessus, et fit trois cents prisonniers. Les ennemis, du commencement, s'étaient postés au Weissenberg; ils l'abandonnèrent le 2 de mai; l'avant-garde prussienne s'en saisit, et elle vit l'ennemi qui passait la ville de Prague, et prenait un camp à l'autre bord de la Moldau. L'armée du Roi occupa le même jour tous les environs de la ville, dont elle formait une espèce de circonvallation : sa droite s'appuyait à la haute Moldau, d'où le camp allait, en embrassant Saint-Roch, le couvent de la Victoire et Weleslawin, s'appuyer à Podbaba à la basse Moldau.

Durant cette marche de l'armée du Roi, le prince de Bevern avait poussé de son côté les opérations avec vigueur; il était entré le 20 d'avril en Bohême, en s'avançant par Krottau et Kratzau sur Machendorf; sa cavalerie battit en marche un détachement autrichien qui s'avançait pour faire une reconnaissance. L'ennemi avait pris à Reichenberg une position avantageuse; le comte de Königsegg commandait ce corps, dont on évaluait la force à vingt-huit mille combattants. Ce fut le 21 d'avril que le prince de Bevern se mit en mouvement pour l'attaquer : il s'avança sur deux colonnes, prenant le chemin de Habendorf, vers l'armée ennemie; il fallait passer une chaussée pour y arriver. Ce défilé, que les ennemis ne pouvaient défendre avec la mousqueterie, n'arrêta guère les Prussiens. Au delà de ce passage se trouvait le corps de M. de Königsegg, auquel il avait donné la forme d'un cercle concave. La cavalerie autrichienne occupait le centre de ce cercle, et se trouvait rangée en trois lignes sur une petite plaine, enchâssée entre les deux ailes d'infanterie qui allaient en avançant, le dos appuyé à d'épaisses forêts, ayant en quelques endroits des abatis devant elle, et des redoutes garnies d'artillerie, dont le feu protégeait la cavalerie. La droite du prince de Bevern attaqua la gauche de l'ennemi; quinze escadrons prussiens chargèrent en même temps cette cavalerie impériale dans la plaine, et la mirent


b La relation officielle de l'expédition des armées royales, publiée dans les deux gazettes de Berlin du 14 mai 1757, no 58, porte Penitz, nom que les éditeurs de 1788 ont reproduit. Nous n'avons pu le trouver, non plus que celui de Penich, ni sur les cartes ni dans les topographies de la Bohême. Peut-être faut-il lire Peruc ou Perutz.