<121>garnison par la famine. On se flatta de mettre le feu par un bombardement aux magasins d'abondance; on fit venir des mortiers et du canon; on établit trois grandes batteries, l'une à la montagne de Ziska, l'autre devant Saint-Michel, et la troisième du côté du maréchal Keith vers le Strahov; mais tout cela fut inutile : la ville avait des bastions casematés, où les vivres trouvèrent un abri contre tous les efforts de l'artillerie prussienne.
Pendant que ces arrangements se faisaient autour de Prague, le maréchal Daun s'était avancé avec son corps à Teutsch-Brod; d'abord le Roi lui opposa M. de Zieten, et peu de temps après le prince de Bevern, qui, se trouvant à la tête de vingt mille hommes, se porta premièrement à Kaurzim, puis à Kuttenberg, faisant toujours reculer devant lui le maréchal Daun, qui se retira jusqu'à Habr; mais chaque pas que l'Autrichien faisait en arrière, l'approchait de ses secours, et lui donnait le moyen d'attirer à lui les débris de la bataille de Prague, qui, s'étant sauvés au delà de la Sasawa, purent le rejoindre.
D'un autre côté, le Roi fit partir pour l'Empire le colonel Mayra avec ses volontaires et environ cinq cents hussards, pour donner l'épouvante aux princes d'Allemagne, ralentir l'assemblée de l'armée des cercles, et en même temps pour alarmer les pédants de Ratisbonne, dont l'éloquence insultante violait toutes les règles de la bienséance. Mayr entra dans l'évêché de Bamberg; de là il s'étendit vers Nuremberg; il fit déserter de Ratisbonne ces députés arrogants qui se croyaient les juges des rois, et de là il pénétra dans le Haut-Palatinat. L'électeur de Bavière et beaucoup de princes, qui conçurent de l'inquiétude de cette irruption, députèrent vers le Roi pour traiter relativement à leurs intérêts; enfin tout l'Empire aurait abandonné le parti de l'Impératrice-Reine, si une des révolutions ordinaires de la guerre et de la fortune n'eût traversé la prospérité des Prussiens. Nous verrons, dans la continuation de cette guerre, combien de ces vicissitudes arrivèrent, et renversèrent tantôt les espérances des Prussiens, tantôt celles des Impériaux.
a Jean de Mayr, chef d'un bataillon franc, le premier que l'armée prussienne ait eu, devint général-major le 5 septembre 1758, et mourut à Plauen en Saxe, le 3 janvier 1759. Voyez t. II, p. 48, et ci-dessus, p. 108.