<122>Cependant le blocus de Prague continuait; on bombardait la ville; mais les Autrichiens faisaient des sorties fréquentes. Un jour, ils voulurent attaquer les batteries du Strahov. Le prince Ferdinand de Prusse y accourut, et les rechassa jusqu'à leur chemin couvert avec une perte de douze cents hommes. Une autre fois, ils tentèrent une sortie du côté du Wyssehrad, avec si peu de précaution et de prévoyance, que prêtant le flanc à des batteries prussiennes placées vers Podoly, le canon les mit en une telle confusion, qu'ils rentrèrent dans Prague en pleine fuite. Une autre fois, le prince de Lorraine fit avec quatre mille hommes une sortie du Petit-Côté; ces troupes prirent une flèche défendue par cinquante soldats; bientôt M. de Retzowa les repoussa, et les poursuivit jusqu'aux portes de la ville. Les Prussiens eurent dans ce siége les ennemis et les éléments à combattre : un orage violent et des nuages qui crevèrent, gonflèrent subitement les eaux de la Moldau; leur impétuosité brisa le pont de Branik; le courant l'entraîna vers le pont de Prague; les ennemis en enlevèrent vingt-quatre pontons; vingt autres furent assez heureux pour leur échapper, et on les rattrapa à Podoly. Tant de bombes que les Prussiens avaient jetées dans Prague, avaient considérablement endommagé certains quartiers de la ville; le feu avait même consumé une boulangerie des ennemis; les déserteurs déposaient unanimement que les vivres commençaient à manquer, et qu'au lieu de viande de boucherie, la garnison se nourrissait de chair de cheval. Il était fâcheux qu'en pressant cette ville on ne pût rien gagner par la force ni par la ruse, et qu'il fallût tout attendre du bénéfice du temps; il n'y avait que la famine et le désespoir qui pût forcer le prince de Lorraine à se faire jour à travers les Prussiens l'épée à la main; car la façon dont ces quartiers étaient fortifiés, n'étant point attaquables, l'aurait obligé, après quelques efforts inutiles, à se rendre.
Le projet de prendre Prague avec l'armée qui la défendait, aurait cependant réussi, si l'on avait pu lui donner le temps de parvenir à sa maturité; mais il fallut s'opposer au maréchal
a Wolf-Frédéric de Retzow, général-major, fut nommé lieutenant-général le jour même de la victoire de Leuthen, en récompense de la conduite distinguée qu'il y avait tenue.