<126>maréchal Daun d'envoyer un gros détachement, qui, longeant les bords de la Sasawa, serait venu à dos des corps prussiens qui campaient entre Branik et Saint-Michel; et cette armée du siége, attaquée par derrière pendant que de la ville le prince de Lorraine aurait fait une sortie, se serait trouvée entre deux feux, et aurait par conséquent été totalement battue. Si le Roi, prenant un autre parti, eût trouvé convenable de se retirer à Kosteletz ou à Teutsch-Brod, il y trouvait des camps plus avantageux; mais les inconvénients dont nous venons de parler subsistaient également : car en s'approchant de l'Elbe on couvrait les magasins, en laissant le chemin libre vers Prague; et en tirant plus vers la Sasawa, on protégeait mieux le siége, et l'on découvrait les dépôts, dont la perte se serait promptement ensuivie, sans compter qu'en perdant du terrain où il y avait du fourrage, l'armée en se retirant se resserrait dans un pays mangé, où les vivres avaient été consumés d'avance. Il se présentait d'autres considérations plus fortes encore : le maréchal Daun commandait une armée de soixante mille hommes, que l'Impératrice-Reine avait rassemblée à grands frais; était-il à croire qu'on souffrît impunément à Vienne, ayant autant de troupes en Bohême, que les Prussiens fissent dans Prague le prince de Lorraine et quarante mille hommes prisonniers de guerre en présence de cette armée? On savait même que le maréchal Daun avait des ordres de tout risquer pour délivrer le prince de Lorraine. Ainsi il s'agissait proprement de se déterminer dans le choix, s'il valait mieux laisser aux ennemis la liberté d'attaquer les troupes prussiennes dans leur poste, ou s'il valait mieux les prévenir et les attaquer soi-même. Ajoutons à ces considérations que, depuis que le maréchal Daun se trouvait en force, il était impossible de prendre Prague sans gagner une seconde bataille, et qu'il aurait été honteux pour l'honneur des armes d'en lever le siége à l'approche de l'ennemi, vu que tout ce qui pouvait arriver de pis était d'abandonner cette entreprise, au cas que l'ennemi remportât la victoire. Outre tout ce que nous venons de dire, une raison plus importante encore obligeait d'en venir à une décision; c'est qu'en gagnant encore une bataille le Roi prenait sur les Impériaux une entière supériorité. Les princes de l'Empire, déjà incertains et