<136>originales de la reine de Pologne, qui donnait des avis à ce général de tout ce qu'elle savait des Prussiens, et lui suppéditait quelques projets de surprise; le Roi envoya ces originaux à M. de Finck,b commandant de Dresde, pour les montrer à la Reine, afin qu'elle comprît qu'on était au fait de toutes ses manigances.
Le Roi détacha cinq bataillons de Bernstadt pour prendre poste à Görlitz, et avec le gros de l'armée il marcha droit aux Autrichiens. Le maréchal Daun campait encore à l'Eckartsberg; il ne fit faire qu'un mouvement à ses troupes, pour qu'elles présentassent le front aux Prussiens. Ce poste était inattaquable : à la gauche, une montagne taillée en forme de bastion, hérissée de soixante pièces de douze livres, flanquait la moitié de son armée; devant son front s'étend dans un bas-fond le village de Wittgenau, au long duquel coule un ruisseau entre des rochers escarpés. Trois chemins se présentaient pour traverser ce village, qui menaient à l'ennemi, dont le plus large pouvait contenir une voiture. La droite du maréchal s'appuyait à la Neisse; au delà de cette rivière campait M. de Nadasdy, avec la réserve de l'armée, sur une hauteur d'où il pouvait, avec trente pièces de gros calibre, balayer tout le front de l'armée impériale. Les deux armées n'étaient séparées que par le fond de Wittgenau; toute la journée se passa à se canonner réciproquement. Le lendemain, on fit passer la Neisse à Hirschfeld à un corps aux ordres de M. de Winterfeldt, pour reconnaître s'il n'y aurait pas moyen d'engager une affaire avec M. de Nadasdy; ce qui aurait engagé le maréchal Daun à le secourir, et aurait donné lieu à un combat général : mais la difficulté du terrain s'opposa encore à cette entreprise, et il fallut y renoncer. Ç'aurait été d'un grand avantage si, dans ces circonstances, le Roi avait pu engager une affaire décisive : il n'avait aucun temps à perdre; un gros de Français était à Erfurt; l'armée du duc de Cumberland était recognée à Stade; le duché de Magdebourg et la Vieille-Marche, exposés aux incursions des Français; une armée suédoise avait passé la Peene près d'Anclam; les troupes des cercles étaient en
b Le Roi nomma le colonel Frédéric-Auguste de Finck commandant de Dresde le 30 août 1757, et général-major le 10 novembre de la même année. Le 25 février 1759, cet officier fut promu au grade de lieutenant-général.