<17>son impériale comme son ennemie perpétuelle. Cependant le ministère français se sentit flatté de l'idée de ces grandes puissances qui donneraient des lois à l'Europe, et de cette paix perpétuelle, quoique d'autres considérations le retinssent encore. Le comte Kaunitz, sans se rebuter, revint souvent à la charge; à force de répéter les mêmes propos, la cour de France s'apprivoisa avec ces idées, et elle vint à se persuader insensiblement que l'union de ces deux grandes maisons n'était pas aussi incompatible que leurs ancêtres l'avaient cru. Il fallait du temps à ce germe pour se développer et pour se fortifier; toutefois la doctrine du comte Kaunitz fit des disciples, et causa quelques refroidissements entre la cour de Versailles et celle de Berlin. On le remarqua surtout à la mission de mylord Tyrconnela à Berlin. Ce ministre, effarouché de cette idée de tutelle que le comte Kaunitz avait tant rebattue, parlait sans cesse avec affectation de l'indépendance des grandes puissances. Un jour il tint même des propos assez imprudents, dont le sens était : « Pour peu que le roi de Prusse tergiverse avec nous, nous le laisserons tomber, et il sera écrasé. » Les Français conservèrent cependant les dehors d'une amitié de bienséance vis-à-vis du Roi, quoique la cour de Versailles ne regardant pas des liaisons à prendre avec l'Impératrice-Reine comme impossibles, ne se sentît plus d'éloignement pour elle. Les choses restèrent en France sur ce pied, jusqu'à ce que les vexations des Anglais obligèrent Louis XV à recourir aux armes.

La cour de Vienne ne trouvant pas dans celle de Versailles autant de facilité qu'elle se l'était promis, toujours occupée cependant à lier sa partie, se tourna vers celle de Pétersbourg, où elle mit tout en mouvement pour rendre son union plus étroite avec la Russie, et pour brouiller l'impératrice Élisabeth avec le roi de Prusse. Un ministre russe était sûr que sa haine contre la Prusse lui était payée, et les Autrichiens en augmentaient le salaire à mesure qu'il y mettait plus d'aigreur : ceux qui étaient à la tête du gouvernement, ne cherchaient donc qu'à mettre la dis-


a Richard-François Talbot, comte de Tyrconnel, succéda au marquis de Valori, qui, avant de quitter son poste, le présenta au Roi comme son successeur, le 6 avril 1750. Il mourut à Berlin le 12 mars 1752.