<19>miers troubles de l'Europe, pour abaisser un voisin dangereux de la Saxe; il comprenait que cet électorat ne serait pas épargné, et que les premiers efforts des Prussiens s'y porteraient; et toutefois il laissait dépérir l'état militaire de la Saxe. Nous n'examinerons pas si sa conduite fut bien conséquente : il ne devait pas ignorer que tout État se trompe, qui au lieu de se reposer sur ses propres forces, se fie à celles de ses alliés. Ainsi par le ministère de ces deux hommes dont nous venons de parler, il n'y avait rien de caché pour le Roi, et leurs fréquentes nouvelles lui servaient comme de boussole pour se diriger entre les écueils qu'il avait à éviter, et l'empêchaient de prendre de pures démonstrations pour un dessein formé de lui déclarer incessamment la guerre.

Cependant l'ascendant de la cour de Vienne sur celle de Pétersbourg s'augmentait de jour en jour; il devait s'accroître rapidement, parce que l'esprit du ministre était préparé à recevoir favorablement les insinuations qu'on pouvait lui faire contre les Prussiens. Le comte de Bestusheff avait soupçonné M. de Mardefeld, ministre du Roi, d'être d'intelligence avec M. de La Chétardie pour lui faire perdre son poste. A ce sujet de haine s'en joignait un autre. L'an 1745, lorsqu'en automne le Roi entra en Saxe, avant que la bataille de Kesselsdorf se donnât, M. de Mardefeld eut ordre d'offrir quarante mille écus à M. de Bestusheff, pour que la Russie ne se mêlât point de cette guerre, et après la paix de Dresde, par une économie déplacée, ou soit par un effet d'inimitié personnelle, M. de Mardefeld se dispensa de payer cet argent au grand chancelier; ce qui fit que ce ministre comprit dans la haine qu'il avait pour M. de Mardefeld, tout ce qui avait le nom prussien. Pour se venger de ces offenses particulières, il engagea l'Impératrice à conclure une alliance avec les cours de Vienne et de Londres. Ce traité était avantageux à la Russie par deux raisons : premièrement, parce que l'union de la maison d'Autriche était convenable à la Russie, pour s'opposer conjointement aux entreprises de la Porte; et en second lieu, par les subsides anglais, qui depuis inondèrent Pétersbourg. Les choses étant ainsi disposées, il ne fut pas difficile à l'Impératrice-Reine de rompre toute correspondance entre la Prusse et la Russie; ni