<29>d'en être de simples spectateurs. Ce n'était pas ce que l'on pensait à Versailles : la cour comptait le roi de Prusse à l'égard de la France, comme un despote de Valachie à l'égard de la Porte, c'est-à-dire, comme un prince subordonné à l'autre, et dans l'obligation de faire la guerre dès qu'on lui en envoie l'ordre; la cour se persuadait de plus qu'en portant la guerre dans l'électorat de Hanovre, elle ferait mollir le roi de la Grande-Bretagne, et terminerait ainsi au centre de l'Empire les différends qui subsistaient aux Indes entre elle et les Anglais. M. Rouillé, alors ministre des affaires étrangères, dit un jour à M. de Knyphausen, dans l'intention d'engager le Roi à contribuer à cette diversion : « Écrivez, monsieur, au roi de Prusse qu'il nous assiste dans l'expédition de Hanovre; il y a là de quoi piller : le trésor du roi d'Angleterre est bien fourni; le Roi n'a qu'à le prendre; c'est, monsieur, une bonne capture. » Le Roi lui fit répondre que de pareilles propositions étaient convenables pour négocier avec un Mandrin,a et qu'il espérait qu'à l'avenir M. Rouillé voudrait bien apprendre à distinguer les personnes avec lesquelles il avait à traiter. Ces négociations devinrent plus vives sur la fin de 1755.

Le roi George, informé du dessein des Français, alarmé de l'orage qui menaçait son électorat, se persuada que la manière la plus sûre de le conjurer était de conclure une alliance défensive avec la Prusse : il savait que les liens qui unissaient le roi de Prusse au roi de France étaient sur le point de finir, parce que le terme du traité de Versailles expirait au mois de marsa de l'année 1756, et il chargea mylord Holdernesse, son secrétaire d'État, d'entamer la négociation avec la cour de Berlin. Mylord Holdernesse, incertain des dispositions du roi de Prusse pour cette alliance, afin de ne point exposer son maître à un refus direct, en hasarda les premières propositions par le duc de Brunswic. Ces ouvertures se firent sous le prétexte d'assurer le repos de l'Allemagne contre le danger dont la menaçait une guerre prête à s'allu-


a Louis Mandrin, fameux contrebandier, roué à Paris le 26 mai 1755.

a Il se peut qu'au lieu de mars, le Roi ait voulu dire mai; car les deux traités que, depuis son avénement au trône, il avait conclus avec la France, portent tous les deux le 5 juin : mais celui du 5 juin 1741, conclu pour quinze années, et qui expirait effectivement en 1756, est daté de Breslau; quant à celui de Versailles, du 5 juin 1744, la durée n'en était pas fixée.