<34>et hessoises, qu'il fit passer dans le royaume. On prit ainsi le change à Londres; les Français y trouvèrent leur compte, et tandis qu'ils faisaient cet appareil pour un débarquement vis-à-vis des côtes de la Grande-Bretagne, ils firent une descente dans l'île de Minorque. Le duc de Richelieu, chargé de cette expédition, mit le siége devant Port-Mahon. Les Anglais ne s'aperçurent du dessein des Français que lorsqu'ils l'eurent exécuté; ils envoyèrent néanmoins une flotte dans la Méditerranée au secours de la place assiégée; leur amiral Byng fut battu par l'escadre française. Le gouvernement anglais, pour se disculper devant une populace effrénée, et furieuse du malheur qui venait d'arriver, fut obligé de lui sacrifier une victime, et fit trancher la tête à l'amiral Byng,a dont bien des personnes sensées prétendaient prouver l'innocence. Le duc de Richelieu essaya en vain de faire brèche à Port-Mahon, dont les ouvrages sont taillés dans le roc; impatient de ce que le siége tirait en longueur, il fit donner un assaut général à la place; les Français l'escaladèrent et la prirent.
Pendant que la fortune favorisait les Français dans le sud de l'Europe, les affaires du Nord devenaient de jour en jour plus critiques : les Russes assemblaient en Livonie des camps plus forts et plus considérables que tous ceux qu'ils y avaient eus les années précédentes. La cour de Russie était induite à ces ostentations par celle de Vienne, qui réclamait le traité de Pétersbourg, comme si la guerre était déclarée, et comme si le cas de l'assistance avait lieu. Une armée de cinquante mille Moscovites sur la frontière de la Prusse devenait un objet important : quelle que fût la cause de cet armement, l'effet en paraissait redoutable.
Il arriva dans ce temps de crise que le Roi perdit par malheur la seule boussole qui l'avait orienté jusqu'alors dans les ténèbres de la politique qui l'environnaient. Un nommé Weingarten, secrétaire de La Puebla, ministre autrichien à Berlin, s'était laissé employer par le Roi à lui fournir la correspondance la plus secrète que son maître entretenait avec la cour de Vienne et avec celle de Pétersbourg : ces dépêches avaient répandu des lumières sur les vues de ces puissances, en développant leurs desseins. Cet homme, dont les services devenaient plus importants que jamais
a L'amiral Byng fut fusillé le 14 mars 1757.