<74>Klinggräff; et qu'ayant cru entrevoir que le roi de Prusse avait deux objets en vue qu'on voulait également éviter ici, savoir : d'en venir à des pourparlers et éclaircissements qui pourraient d'abord causer une suspension des mesures qu'on jugeait nécessaire de continuer avec vigueur; et en second lieu, d'amener les choses plus loin et à d'autres propositions et engagements plus essentiels, il avait jugé que la réponse devait être d'une nature qui éludât entièrement la question du roi de Prusse, et qui, en ne laissant plus lieu à des explications ultérieures, fût en même temps ferme et polie, sans être susceptible d'aucune interprétation ni sinistre ni favorable. Qu'en conformité de cette idée, il lui avait paru suffire que l'Impératrice se contentât de répondre simplement : que dans la forte crise générale où se trouvait l'Europe, il était de son devoir et de la dignité de sa couronne de prendre des mesures suffisantes pour sa propre sûreté, aussi bien que pour celle de ses amis et alliés. Que l'Impératrice-Reine avait approuvé cette réponse; et que, pour montrer que la démarche et demande du roi de Prusse ne causait ici le moindre embarras, Sa Majesté avait fait fixer l'heure pour l'audience de M. de Klinggräff d'abord pour le lendemain, qui fut avant-hier; et après avoir écouté la proposition de ce ministre, comme il l'avait exposée la veille à M. le comte de Kaunitz, elle lui avait précisément répondu dans les termes mentionnés, et avait rompu par un signe de tête tout d'un coup l'audience, sans entrer dans aucun plus grand détail. Il est vrai que tout Vienne, qui était alors assemblé dans l'antichambre de l'Impératrice-Reine, à cause du jour de gala, a vu entrer et sortir le moment après M. de Klinggräff avec un air assez étonné. Je tiens toutes ces circonstances de la bouche de M. le comte de Kaunitz, qui m'a dans cette rencontre parlé avec plus d'ouverture et de confiance qu'il n'a fait jusqu'à présent, me chargeant même d'en faire usage dans mes dépêches à Votre Excellence, se réservant néanmoins là-dessus un secret des plus exacts.
On doute d'autant moins que cette réponse aussi énergique qu'obscure ne jette le roi de Prusse dans un grand embarras; et on prétend ici que ce prince doit être dans de grandes inquiétudes, et qu'il a déjà tiré de son trésor près de trois millions d'écus, que ses préparatifs et augmentations lui ont coûté.