<89>quelquefois cinq ou six troupes tirant vers leur gauche disparaissaient, bientôt après elles paraissaient plus nombreuses que du commencement; enfin, ennuyé de cette manœuvre oiseuse, qui faisait perdre le temps et n'avançait point les affaires, le Roi crut qu'en faisant charger cette cavalerie par une vingtaine d'escadrons de dragons, cette arrière-garde serait bien vite dissipée, et le combat terminé. Sur quoi les dragons descendirent des hauteurs, et se formèrent au bas sous la protection de l'infanterie prussienne; ils choquèrent et renversèrent tout ce qu'ils trouvèrent vis-à-vis d'eux. En poursuivant les fuyards, ils reçurent du village de Sulowitz en flanc et de front un feu de petites armes et d'artillerie qui les ramena à la position où ils s'étaient formés au pied des vignes  : on jugea dès lors qu'il ne s'agissait plus d'arrière-garde, mais que le maréchal Browne se trouvait avec les Autrichiens vis-à-vis de l'armée.

Le Roi voulut retirer sa cavalerie, pour la remettre en seconde ligne sur la hauteur; mais, par des quiproquo malheureusement trop fréquents les jours de bataille, il arriva que tous les cuirassiers s'étaient joints aux dragons, et qu'avant que l'aide de camp pût leur apporter les ordres du Roi, s'abandonnant à leur impétuosité et au désir de se signaler, ils donnèrent pour la seconde fois; ils eurent bientôt culbuté la cavalerie ennemie; quoiqu'ils reçussent le même feu qui avait ramené les dragons à la première charge, ils poursuivirent les Autrichiens à trois mille pas; emportés par leur ardeur, ils franchirent un fossé large de dix pieds, à trois cents pas au delà duquel un autre fossé plus profond encore couvrait l'infanterie impériale. M. de Browne fit aussitôt exécuter soixante pièces de ses batteries contre la cavalerie prussienne, ce qui l'obligea de revenir se reformer au pied de la montagne, ce qu'elle exécuta avec ordre, n'étant point poursuivie. Le Roi ne voulant plus risquer qu'elle se livrât à de pareilles saillies, la fit repasser en seconde ligne derrière son infanterie.

Comme cette cavalerie revenait, le feu de la gauche commençait à devenir et plus vif et plus considérable : le maréchal Browne voulait changer l'état de la question; se voyant sur le point d'être assailli, il aima mieux attaquer lui-même. Dans cette vue, il