<96>montrait à son tour avec force l'inutilité de cette entreprise, qui mènerait à une effusion de sang et à un massacre dont après tout le Roi ne pourrait tirer aucun avantage. M. de Browne se trouvait dans un cas aussi embarrassant, mais moins fâcheux : il avait devant lui un corps de troupes prussiennes, supérieur en nombre; et comme toute communication lui était coupée avec le Königstein, qu'il rencontrait des empêchements physiques dans toutes les entreprises qu'il pouvait former pour dégager les Saxons, et qu'il avait à craindre que, ces troupes se rendant prisonnières à son insu, il aurait aussitôt toute l'armée prussienne sur les bras, il jugea la situation de l'armée saxonne désespérée, et ne pensant plus qu'à sauver son propre détachement, il se retira le 14 en Bohême. Les hussards prussiens le suivirent; M. de Warnerya battit son arrière-garde, et passa trois cents grenadiers croates au fil de l'épée.
Cette entreprise si mal exécutée donna lieu aux reproches les plus injurieux que se firent les généraux saxons et les généraux autrichiens; ils avaient tort les uns et les autres : le général saxon qui avait fait le projet de cette évasion, était le seul coupable; il avait sans doute consulté des cartes fautives; il n'avait jamais été sur les lieux, dont le local lui était inconnu : car quel homme sensé choisira pour sa retraite un défilé qui passe par des rochers escarpés dont l'ennemi est le maître? Ces lieux, tout à fait contraires par leurs dispositions aux manœuvres que les Autrichiens et les Saxons avaient dessein d'y faire, furent les vraies causes des malheurs que les Saxons y trouvèrent; tant l'étude du terrain est importante, tant le local décide des entreprises militaires et de la fortune des États.
Le roi de Pologne fut du haut du Königstein spectateur de la situation déplorable où se trouvaient ses troupes, manquant de pain, entourées d'ennemis, et ne pouvant pas même par une résolution désespérée se faire jour aux dépens de leur sang, parce que toute ressource leur était ôtée; pour ne les point voir périr
a Charles-Emmanuel de Warnery était lieutenant-colonel dans le régiment de hussards no 4. Au mois de mai 1757, après la mort du général de Wartenberg, il devint colonel et chef du régiment de hussards no 3. L'année suivante, il entra au service de Pologne, et obtint le grade de général-major.