RÉPONSE DU ROI DE PRUSSE.
De Pretzsch, le 1er septembre 1756.
Le penchant que j'avais à la paix est si notoire, que rien de tout ce que j'en pourrais dire à Votre Majesté, ne saurait le confirmer davantage que la convention de neutralité que j'ai faite avec le roi d'Angleterre. Depuis cela, la cour de Vienne a cru, par divers changements de système, avoir trouvé le moment favorable de mettre en œuvre les projets qu'elle a déjà depuis longtemps conçus contre moi. J'ai employé la voie de négociation, que j'ai estimée la plus convenable pour lever de part et d'autre des soupçons auxquels la cour de Vienne avait donné lieu par plusieurs arrangements. La première réponse que j'en ai reçue était si obscure et si énigmatique, qu'aucun prince qui prend à tâche de pourvoir à sa sûreté, n'oserait en être satisfait. La seconde était si pleine de hauteur et de mépris, que tout prince qui n'est soumis à personne et qui tient son honneur à cœur, en doit être offensé; et quoique je n'aie exigé de l'Impératrice-Reine que des assurances qu'elle n'entreprendrait rien contre moi cette année-ci et la suivante, cependant elle n'a pas daigné me répondre sur un article de si grande importance. C'est ce refus qui m'a forcé malgré moi à embrasser le parti que j'ai cru le plus propre à traverser les desseins de mes ennemis.
Cependant les sentiments de paix et d'humanité m'ont encore incité à faire faire par mon ambassadeur à Vienne de nouvelles représentations à cette cour, et je lui ai ordonné de ne pas cacher que la dernière réponse que j'en ai reçue était non seulement peu modérée sur le choix des expressions, mais encore remplie d'une mauvaise dialectique, qui ne satisfaisait point du tout à ma demande; qu'en attendant, j'avais commencé à me mettre en mouvement; mais si malgré cela l'Impératrice-Reine était encore résolue de m'accorder les sûretés que j'ai exigées pour cette année et pour l'autre, elle pourrait compter que je sacrifierais volontiers au repos public tous les frais que m'a coûté cette ouverture de <237>campagne, et que je promettrais, dès ce moment, de remettre tout sur l'ancien pied. Les ressorts qui me font agir ainsi ne sont pas la soif du gain, ni l'ardeur de la gloire; ce n'est que la protection que je dois à mes sujets, et la nécessité absolue de traverser des complots qui s'augmenteraient de jour en jour, si l'épée ne venait encore à temps trancher ce lien indissoluble. Ce sont là les motifs que je suis en état de donner actuellement à Votre Majesté de mes démarches. Quant à la Saxe, je l'épargnerai autant que ma situation présente me le permettra. J'aurai pour Votre Majesté et pour toute votre famille royale toute l'attention et toute l'estime que je dois à un grand prince que je chéris, et que je ne trouve à plaindre qu'en ce qu'il se confie trop aux conseils d'un homme dont les mauvaises intentions ne me sont que trop connues, et dont je pourrais démontrer les dangereux desseins par des preuves écrites de sa propre main. Pendant toute ma vie j'ai fait profession d'honneur et de probité, caractère que je mets au-dessus de celui de roi, dans lequel le pur hasard m'a fait naître; et par ce caractère je proteste que, quelque apparence d'hostilité que puissent avoir mes actions, surtout au commencement, Votre Majesté verra, dussions-nous même ne jamais parvenir à quelque voie d'accommodement, combien ses intérêts me sont chers. Aussi trouvera-t-elle dans ma façon d'agir un zèle décidé pour son avantage et pour celui de toute sa famille, quoi qu'en disent certaines personnes, qui sont trop au-dessous de moi pour que je daigne m'abaisser jusqu'à les nommer. Je suis, etc.