<108>la convertir en alliance défensive. Quelque peu de réalité qu'il y eût à ce traité, il ne laissait pas de causer des inquiétudes à la cour de Vienne, et même à la Russie. On soupçonnait que l'engagement que les deux puissances venaient de contracter, était plus étroit qu'il n'était annoncé. Cependant, comme les troupes ottomanes ne faisaient aucun mouvement, l'Impératrice-Reine se crut, pour cette campagne, à l'abri de toute diversion.
Outre ces grandes négociations, il s'en tramait bien des sourdes. Comme il n'est point de ville imprenable où l'on ne puisse introduire un mulet chargé d'or, il n'est guère d'armée où l'on ne trouve d'âme lâche et vénale. Dans cette crise des affaires, il était important d'avoir des nouvelles de bonne source, et avec tant d'ennemis, il fallait au moins pouvoir être instruit d'une partie de leurs desseins. Cela avait fait jeter les yeux sur M. Tottleben, comme un homme capable d'entrer dans de pareilles propositions, et propre à faire parvenir les meilleures nouvelles. On ne se trompa point dans le jugement qu'on avait porté de son caractère. Il fit tout ce qu'on désira de lui, et même au delà. Mais par la suite de cet esprit de légèreté et d'imprudence qui l'avait engagé dans cet indigne métier, il se trahit lui-même par sa conduite peu mesurée, et il fut précisément arrêté au commencement de la campagne, lorsque ses services devenaient le plus essentiels et le plus utiles.
Cependant les troupes demeurèrent tranquilles dans leurs quartiers jusqu'à la fin de mars. Dès le mois d'avril, celles de Saxe s'assemblèrent en cantonnements, et le Roi transféra son quartier de Leipzig à Meissen.