CHAPITRE XV.
De l'hiver de 1761 à 1762.
Nous avons vu, par le récit de la campagne précédente, les malheurs dont la Prusse était accablée, et ceux qui la menaçaient encore; toutefois, dans le temps le plus critique, et où le sort des armes lui paraissait le plus contraire, il lui apparaissait quelques lueurs d'espérance qui lui faisaient entrevoir des ressources, quoique incertaines.
Dans le mois d'octobre, après la perte de Schweidnitz, lorsque l'armée du Roi était à Strehlen, et que les Russes assiégeaient en Poméranie la ville de Colberg et le corps du prince de Würtemberg en même temps, le Roi reçut une ambassade du kan des Tartares. L'ambassadeur était le barbier de son maître. Cela doit paraître étrange aux esprits prévenus du cérémonial des cours, et à ceux qui ne jugent des nations étrangères qu'en comparant leurs usages aux mœurs européennes; mais cela n'est point inusité chez les peuples orientaux, où la noblesse est inconnue, et où ceux-là sont censés les premiers, qui approchent le plus près de la personne du souverain. Ce barbier, ou cet ambassadeur, présenta sa lettre de créance. Le style en était d'une nuance de ridicule différente du style de la chancellerie allemande. L'objet de cette mission était de proposer au Roi l'alliance du Tartare, et de lui offrir un secours de seize mille auxiliaires, moyennant un subside dont on conviendrait. Ces propositions n'étaient pas à