<150>refuser dans la situation où les affaires du Roi se trouvaient : non seulement on les accepta, mais encore, pour gagner du temps, on chargea le barbier de projets de traités d'alliance et de subsides; on l'accabla de présents pour lui et pour son maître; et on le fit accompagner à son retour par le jeune M. de Goltz,a pour presser l'exécution de ces engagements, et pour conduire ce corps d'auxiliaires en Hongrie, où l'on voulait s'en servir pour faire une diversion dans les États de l'Impératrice-Reine. Le sieur Boskamp, émissaire du Roi à Bagtcheh-Seraï, fut chargé en même temps d'employer tous ses soins pour disposer le Kan à faire une incursion en Russie, pour allumer la guerre de ce côté-là, parce qu'après que les premières hostilités auraient été commises, la Porte se trouverait obligée de soutenir le Kan; ce qui était le seul moyen de l'entraîner dans des mesures pour lesquelles elle avait marqué jusqu'alors tant de répugnance. Si ce projet réussissait, il dégageait la Poméranie des Russes, et préservait la Marche électorale des risques auxquels elle était exposée. A l'égard de l'irruption de ces seize mille Tartares en Hongrie, il fallait sans doute la soutenir par un corps de troupes réglées; mais cela obligeait l'Impératrice-Reine d'envoyer le double de son monde, et par conséquent elle affaiblissait nécessairement l'armée contre laquelle les Prussiens devaient combattre au printemps.
Toutes les nouvelles qu'on recevait alors de Constantinople, faisaient espérer la prompte conclusion du traité d'alliance défensive que le Roi négociait à la Porte; toutefois il y avait loin de l'espérance à la réalité. Le grand vizir, homme d'un âge avancé, n'était pas personnellement militaire, et appréhendait de faire un métier duquel il n'avait aucune intelligence; il craignait surtout d'exposer aux hasards de la guerre sa fortune bien établie. Par cette raison, il s'était étroitement uni avec le mufti, pour contrarier ensemble dans le divan ceux dont les avis violents conseillaient la rupture avec la maison d'Autriche; et il leur représentait que la trêve avec les Impériaux n'étant pas expirée, on ne pouvait la violer sans transgresser la loi de Mahomet. Toutefois, par une suite des contradictions dont l'esprit humain est si suscep-
a Charles-Alexandre baron puis comte de Goltz, né en 1739, et fils aîné du lieutenant-général Charles-Christophe baron de Goltz, était alors lieutenant.