<153>A quoi se réduisait donc le sens de ce traité? N'aurait-il pas autant valu que la France eût dit aux Espagnols : « Vous ferez la guerre, parce que cela convient à mes intérêts : j'ai fait des pertes considérables contre les Anglais; mais comme il y a apparence que vous ferez des conquêtes sur eux, et que vous prendrez le Portugal, vous rendrez tous ces pays que vous prendrez, à leurs possesseurs, pour obliger les Anglais à nous restituer les provinces qu'ils ont envahies sur nous, et que nous ne pouvons plus leur arracher? » Encore, pourquoi attaquer le roi de Portugal, qui n'avait offensé personne, sur le royaume duquel ni l'Espagne ni la France n'avaient des droits? C'était le commerce lucratif que l'Angleterre faisait en Portugal, que la France voulait ruiner. D'ailleurs, elle était persuadée que les Anglais auraient rendu la meilleure partie de leurs conquêtes pour faire restituer ce royaume au roi de Portugal. Mais est-ce une raison pour attaquer un souverain qui n'en donne aucune raison légitime? O droit public, que ton étude est vaine et inutile! Ce traité, enfin, tout bizarre qu'il était, fut signé par les deux couronnes.

Les Français en tirèrent incontinent parti, et M. de Bussy eut ordre de demander, au nom du roi d'Espagne, la restitution de quelques vaisseaux que les Anglais avaient enlevés à cette couronne, et surtout qu'ils renonçassent à la coupe du bois de Campêche. Cette proposition fut comme la pomme de discorde qui divisa et brouilla tout le ministère britannique. Deux hommes se trouvaient à la tête de ce gouvernement, différents de caractère et opposés en tout. L'un était Pitt : une âme élevée, un esprit capable de grands projets, de la fermeté dans l'exécution, un attachement inflexible à ses opinions, parce qu'il les croyait avantageuses à sa patrie, qu'il aimait, faisaient son caractère. L'autre, c'était Bute; il avait été gouverneur du Roi, et le gouvernait encore. Plus ambitieux qu'habile, il voulait dominer à l'ombre de l'autorité souveraine. Il avait pour principe que la trame de l'honneur devait être d'une tissure grossière pour tout homme d'État. Il crut qu'en procurant la paix à tout prix à sa nation, il en deviendrait l'idole : il se trompa, et le peuple l'eut en exécration. Ces deux Anglais envisagèrent la proposition de l'Espagne avec des yeux tout différents. Pitt, convaincu que l'Espagne voulait