<154>la guerre, et que par conséquent la rupture était inévitable, voulait qu'on prît cette puissance au dépourvu, parce qu'elle n'avait pas achevé de faire ses préparatifs; et il opinait pour qu'on lui fît la guerre, parce que c'était le cas de se battre, et non pas de négocier. Bute, craignant que ces nouveaux ennemis ne rendissent la paix plus difficile à conclure, représenta qu'en suivant les avis de son adversaire, on engagerait le gouvernement de plus belle dans des dépenses exorbitantes et dans de nouveaux risques, dont on ne pouvait point prévoir la fin; que s'il condamnait le sentiment du sieur Pitt, c'était surtout parce que, dans les conjonctures où l'Angleterre se trouvait, il était plus facile de négocier à Madrid que de trouver à Londres de nouveaux fonds pour la guerre. L'avis de M. Bute prévalut dans le conseil du Roi sur celui de son antagoniste. M. Pitt en ressentit un chagrin si vif, que, plein d'indignation, il se démit de ses charges. Son exemple fut suivi peu après par les ducs de Newcastle et de Devonshire, qui renoncèrent également à leurs emplois. M. Bute profita de leurs dépouilles : il prit la place du conseil qu'il voulut, et il forma une nouvelle administration, composée des lords Halifax, Egremont et Grenville, qui fut nommée le triumvirat; mais Bute en était l'âme.
Peu après, les événements prouvèrent que M. Pitt avait jugé des intentions de l'Espagne en homme d'État; car M. Bute perdit son temps à négocier, et il fallut avoir recours aux armes. Les Anglais furent obligés d'assister le roi de Portugal de leurs troupes, et les avantages que leurs flottes remportèrent sur mer, furent encore dus au sieur Pitt, qui avait fait les projets de ces expéditions durant son ministère. A peine M. de Bute fut-il en place, que la froideur qui commençait à régner entre la Prusse et l'Angleterre, s'accrut considérablement. Le sieur Bute refusa les subsides que la nation avait payés jusqu'alors au Roi; il se flattait par là de réduire ce prince, par nécessité, à consentir aux propositions de paix que le ministère britannique jugerait à propos de lui prescrire. Cet Anglais croyait que l'argent fait tout, et qu'il n'y avait d'argent qu'en Angleterre. Mais qu'on voie à quoi tiennent les affaires du monde et les projets des hommes. L'impératrice de Russie meurt; sa mort trompe tous les politiques de