<157>plus nobles et plus relevés qu'on ne les trouve d'ordinaire chez les souverains. Il se prêta à tous les désirs du Roi; il alla même au delà de ce qu'on pomait attendre. De son propre mouvement il rappela de l'armée autrichienne M. de Czernichewa avec son corps; il n'exigea du Roi aucune cession, quoiqu'il fût autorisé à le faire, sans qu'on pût y trouver à redire; il hâta la négociation de la paix, et ne demanda pour tout retour que l'amitié et l'alliance du Roi. Un procédé aussi noble, aussi généreux, aussi peu commun, non seulement doit être transmis à la postérité, mais devrait être gravé en lettres d'or dans les cabinets de tous les rois.

Les vues de l'Empereur se portèrent alors particulièrement sur le Danemark. Il ressentait les torts que ces rois avaient faits à ses ancêtres; il avait, outre cela, des injustices personnelles à venger, car du vivant de l'impératrice Élisabeth, les Danois avaient à plusieurs reprises tenté de le dépouiller de la partie du Holstein qu'il possédait encore, à quoi il s'était toujours opposé avec fermeté. L'esprit aigri par tant d'offenses, il méditait d'en tirer une vengeance éclatante; et s'il terminait la guerre contre la Prusse, ce n'était que pour la recommencer avec d'autant plus de vivacité contre le Danemark.

Le Roi n'agissait point avec l'Empereur comme de souverain à souverain, mais avec cette cordialité que l'amitié exige, et qui en fait la plus grande douceur. Les vertus de Pierre III faisaient une exception aux règles de la politique : il en fallait bien faire de même pour lui. Le Roi tâchait de le prévenir dans tout ce qui pouvait lui être agréable; et comme il parut désirer de revoir le comte de Schwerin,b aide de camp du Roi, qui, ayant été fait prisonnier par les Russes à la bataille de Zorndorf, avait eu le


a Le comte Czernichew (c'est ainsi qu'il signait lui-même) quitta les Autrichiens le 24 mars 1762, et sortit du comté de Glatz avec son corps d'armée. Le 30 et le 31 mars, il rendit ses devoirs au Roi à Breslau. Pendant ce temps, ses troupes passaient l'Oder à Leubus, pour se retirer en Pologne. Il repartit de Thorn le 9 juin, les suivit, et ayant repassé l'Oder à Auras, il joignit, le 30 juin, l'armée du Roi à Lissa.

b Guillaume-Frédéric-Charles comte de Schwerin, neveu du feld-maréchal, était né en 1738. Il partit en qualité de capitaine pour Saint-Pétersbourg, le 20 mars 1762, pour remettre à l'Empereur l'ordre de l'Aigle noir. Le 20 mai, il apporta à Breslau la nouvelle de la paix conclue à Saint-Pétersbourg le 5 mai, nouveau style, et reçut à cette occasion le grade de major.